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Le massacre des trotskystes Indochinois du camp de Mazargues en France par les staliniens en mai 1948}
samedi 12 juin 2021, par
Le massacre des trotskystes Indochinois du camp de Mazargues en France par les staliniens en mai 1948
Barta :
QUE S’EST-IL PASSE A MAZARGUES ?
De L’Humanité au Monde, on rend responsable des "trotskystes" d’une émeute sanglante, le 15 mai, au camp de travailleurs indochinois de Mazargues.
La police a arrêté Do Tham Ky, N’Gane et d’autres, soi-disant organisateurs de cette émeute.
En fait, il s’agit là d’une monstrueuse provocation de gangsters aux ordres des staliniens indochinois, protégés par la police. Celle-ci, en effet, pour briser la résistance des travailleurs indochinois, avait récemment interdit et dissous les groupes de surveillance que les travailleurs du camp avaient organisés eux-mêmes et qui maintenaient un ordre exemplaire.
C’est ainsi que dans la nuit du 15 mai, à 22 h. 30, des groupes de ces gangsters attaquèrent à Mazargues les baraquements des travailleurs et se heurtèrent vite à la résistance de ceux-ci, qui abattirent un des assaillants. Quarante minutes après, le camp était cerné par la police et les arrestations commençaient. Des délégués et travailleurs, connus pour leur dévouement et leur capacité à défendre leurs camarades, furent arrêtés sous l’inculpation de "complot terroriste", comme Do Ky, délégué officiellement reconnu par la D.T.I., particulièrement dangereux, nous apprend Le Monde, parce que "se trouvant dans notre pays depuis neuf ans (il y fut déporté du travail à l’occasion de la deuxième guerre impérialiste), il n’y a travaillé que par intermittence, préférant consacrer son temps à l’étude et à la politique".
Ce sont là, certes, de bien grands crimes aux yeux de la bourgeoisie et c’est, assurément, un "complot" que d’engager les exploités à s’organiser entre eux ...
Mais n’est-ce pas un complot de la plus basse espèce que de favoriser une machination sanglante contre les travailleurs vietnamiens et leurs délégués, pour ensuite mettre en accusation... les victimes ? N’est-ce pas un complot que d’organiser systématiquement l’exploitation de travailleurs – doublement exploités et comme travailleurs et comme peuple occupé – et d’arrêter l’un après l’autre leurs porte-parole reconnus ?
C’en est assez des persécutions contre les travailleurs vietnamiens, qui ont souvent montré une conscience de classe et une solidarité ouvrière exemplaires. Les véritables responsables des événements de Mazargues, ce n’est pas dans leurs rangs qu’il les faut chercher. LIBEREZ DO KY, N’GANE ET LEURS CAMARADES qui, pendant toute la guerre, n’ont jamais cessé d’être solidaires des travailleurs français !
LA VOIX DES TRAVAILLEURS.
Source : https://www.marxists.org/francais/barta/1948/05/vdt47_051948.htm
Le massacre de Mazargues fut un affrontement violent qui eut lieu le 15 mai 1948 dans un camp de travailleurs vietnamiens (emmenés de force par la France coloniale pour soutenir son effort de guerre en 1939). Alors que les trotskistes avaient réalisé un travail d’organisation important dans les camps d’ouvriers non spécialisés (ONS) et y avaient acquis une influence considérable, les staliniens déclenchèrent une tuerie à l’aide de gros bras (5 morts et une soixantaine de blessés.
Des militants trotskistes avaient fondé un journal large dans un cadre de front unique, Tranh Ðấu (La lutte), à un moment où les staliniens mettaient en veilleuse leur anticolonialisme (résultat du virage nationaliste du PCF en 1935 et de l’alignement de Staline sur les Alliés). Ce journal était donc devenu très majoritaire (selon certains, 90 % des Vietnamiens de France se reconnaissent dedans en 1945), et à travers lui les trotskistes avaient une influence prépondérante sur les organismes élus des ONS.
En face, les journaux staliniens – Thuy Thu Lao Dong (Marins et Travailleurs), Cuu Quôc (Salut national) – multipliaient les attaques contre ces organismes. Après la révolution d’août 1945 au Viêt Nam, le Viêt Minh stalinien tente de reprendre l’ascendant sur les Vietnamiens de France, par tous les moyens. Le représentant de Hô Chi Minh, Trân Ngoc Danh, essaie d’abord de contourner les structures élues qui existent dans les camps en en créant d’autres.
« Devant les ONS il était toujours d’accord mais il cachait son jeu. C’était ça nuire aux autres en cachant son jeu. Le comité central des ONS avait organisé une collecte, Danh en parrainait une autre organisée par le groupe « le Salut National » qui nous était violemment hostile. à Marseille, il n’avait trouvé pour le soutenir qu’une bande de voyous que nous avions mis à la porte du camp à cause des trafics et des méfaits de toutes sortes qu’ils commettaient. Et bien, du jour au lendemain, ces énergumènes ont déclaré être fidèles à Hô Chi Minh et sont devenus membre du Salut National. » Dang Van Long
Le camp de Mazargues situé dans la banlieue Est de Marseille est le plus grand de France. C’est une des places forte du mouvement des ONS où, dès 1944, il fut mis fin aux jeux et aux trafics divers. Environ 2 000 Vietnamiens y vivent. Par manque de place, les autorités ont créé un second camp à environ deux kilomètres, appelé Colgate. Il est surtout utilisé pour regrouper les ONS en partance pour l’Indochine. Là, la discipline est quasiment inexistante et c’est là que vous se regrouper les éléments dénoncés par les trotskystes comme « malandrins, voyous et criminels ».
À la suite de l’expulsion des délégués ONS vers le Viêt Nam dont les plus connus étaient Hoàng Nghinh, Bui Dinh Thiêp, Nguyên Dinh Lâm… un certain relâchement dans la bonne tenue du camp se fit ressentir, ce qui fut, pour les soi-disant militants du groupe Salut National l’occasion d’investir la place. Quoique très minoritaire ce groupe se livra à des provocations diverses.
Dang Van Long se souvenait :
« Ce groupe se composait de 60 à 70 éléments. Outre les voyous, il y avait des membres de la 41e compagnie qui étaient originaires de Ha Tinh qui était la terre natale de Phan Nhuân et certains membres de la 12e compagnie. Ils injuriaient les gens en désaccord avec eux, les agressaient parfois. Il y avait une tension extrême dans le camp à cause d’eux. Quand ils étaient majoritaires dans une compagnie, ils interdisaient nos journaux. Malgré leurs attaques calomnieuses nous n’avons jamais procédé de la même façon, nous avons toujours préféré le débat démocratique. À la veille du rapatriement des premiers ONS, les Staliniens se sont efforcés d’effrayer les travailleurs coupables de ne pas s’inféoder à leur politique en les menaçant « des tribunaux de la république démocratique du Viêt Nam ».
Les dirigeants des travailleurs furent qualifiés « de renégats et d’accusés en liberté provisoire » par leur journal Lao Dong. En février un membre du Comité d’autodéfense a reçu un coup de poignard. Au mois de mai durant la première quinzaine il y eut cinq agressions physiques contre des délégués ou des membres du comité. » Au début du même mois le Lao Dong publie une brochure en quoc ngu au titre évocateur : « Les travailleurs démasquent les traîtres trotskystes vietnamiens ». On y lit en autre :
« Aux traîtres trotskystes vietnamiens nous disons : le jour de l’extermination de votre clique est arrivé. Plus vous crierez fort plus vite vous serez détruits. Aux camarades encore hésitants nous disons revenez à la patrie. La patrie généreuse acceptera tous ses enfants vietnamiens. Chaque jour où vous resterez liés aux traîtres trotskystes vietnamiens est un crime de plus à votre actif. Ne tardez plus vous en supporteriez les conséquences avec eux. »
Le 14 mai, deux trotskystes sont roués de coups par des staliniens devant leur responsable réduit à l’impuissance par les agresseurs.
Dang Van Long :
« Le soir du 15 mai le Comité d’autodéfense chargé de la sécurité du camp apprit que le groupe Salut National organisait une réunion dans un réfectoire. Comme par le passé ils avaient dressé des listes de personnes à éliminer, et comme les violences des jours précédents ne laissaient rien présager de bon, la nouvelle se répandit qu’ils préparaient l’élimination de leurs opposants les plus farouches. En un clin d’œil des dizaines d’ONS sortirent des baraques pour se joindre au groupe d’autodéfense se munissant de manière préventive de toutes sortes d’armes et d’objets divers. Jamais, nous Trotskistes, n’avons donné l’ordre d’aller attaquer cette réunion. L’extrême tension des jours précédents avait rendu Mazargues comme un baril de poudre, cette réunion a été l’étincelle fatale. Nous avons essayé de calmer la situation, mais c’était impossible. Des gens qui n’avaient rien à voir avec tout ça ont même été menacés ; c’était une nuit d’horreur. »
Des témoins affirment que des ONS avaient ceint leur front de tissu blanc : signe de reconnaissance pour une rixe dont ils savaient qu’elle aurait lieu dans le noir ? ou ce signe du deuil vietnamien était-il un avertissement que l’affaire allait être sanglante ? Personne n’a répondu à la question. Une violente dispute éclate entre les deux groupes. Soudain, la lumière est éteinte dans tout le camp, l’affrontement éclate, violent, meurtrier, des détonations, des clameurs et des cris sont entendus jusqu’aux abords du camp. La police est prévenue par la standardiste du camp (une Irlandaise mariée à un interprète vietnamien) mais reste à la lisière n’entrant qu’au matin pour découvrir cinq morts et une soixantaine de blessés dont certains, très gravement atteints, resteront handicapés à vie. Lê Van Dich le responsable du Salut National est parmi les victimes. Beaucoup d’ONS ont quitté le campement après les violences, certains sont partis en ville, d’autres au camp Colgate.
Dans un rapport de police du 19 mars, il est signalé que « 130 Indochinois ont quitté d’autorité le camp Viêtnam pour le camp Colgate. Il s’agit d’éléments de la 12 Cie qui seraient favorables à la politique de Bao Dai. Selon l’encadrement, 400 travailleurs ont déserté le camp pour passer la nuit en ville. » Le problème des archives policières est que la compréhension politique des faits échappe le plus souvent aux inspecteurs et aux commissaires chargés des rapports. Trouver des partisans de l’empereur Bao Dai à Mazargues semble relever de la plus pure fantaisie. Les premiers articles de journaux qui se basent sur les explications des policiers sont tout aussi incongrus : « des pacifistes auraient attaqué des anarchistes ».
Deux jours plus tard, Bui Ngan, responsable du comité d’autodéfense qui s’était caché dans un poulailler proche du camp se trouva cerné par des policiers en armes. Selon eux, il fit feu et fut alors abattu immédiatement.
Dang Van long : « Au lendemain des affrontements nous pleurons tous les morts. C’est un deuil pour l’ensemble des ONS. Nous avons de la compassion pour l’ensemble des morts et des blessés. Nous ne les considérons nullement comme des ennemis mais comme des victimes de M. Danh et du groupe Salut National, c’est-à-dire de ceux qui usèrent des calomnies à la place de l’argumentation, qui abusèrent de la violence pour imposer aux ONS une politique qu’ils refusaient. »
Le message adressé « aux Vietnamiens de France » par Trân Ngoc Danh le 18 mai, dans lequel « il regrettait l’incident sanglant de Marseille et réprouvait totalement tous actes de violence entre compatriotes contraires à la politique de large union nationale préconisé et poursuivie par le gouvernement du président Hô Chi Minh », fut ressenti par certains comme le comble du cynisme.
La presse locale fit ses gros titres sur « La Saint Barthélemy indochinoise », sur « La secte des Tu Vê organisme d’exécuteurs du groupe trotskyste de la IVe Internationale »[4]. Certains articles regorgent de poncifs coloniaux et racistes : « Sauvage scène de carnage au camp indochinois » (Le Méridional). « Ce fut un carnage et les hommes s’adonnèrent à des scènes de sauvagerie inexplicable » (commissaire principal Mevel). « Déchaînés, assoiffés de sang, les attaquants sautèrent sur leurs camarades » (Le Provençal du 17 mai). Force détails sont donnés sur les yeux crevés ; un corps transpercé par un tube de métal, fiché sur le sol comme un papillon ; les râles des blessés…
Pendant plusieurs jours le bruit courut que des cadavres avaient été enterrés à la hâte dans le camp, puis que des groupes de tueurs se cachaient dans les calanques… Ce n’est que le 22 mai que Le Provençal commence à publier les déclarations de la Délégation Générale des Travailleurs Vietnamiens qui « attribue la responsabilité des évènements à des éléments qui, depuis trois mois, se sont livrés à des provocations incessantes allant jusqu’à menacer et frapper violemment certains représentants démocratiquement élus par les travailleurs ». Une déclaration de la section vietnamienne de la IVe internationale va dans le même sens.
Environ 80 arrestations sont opérées. Après enquête, dix-huit ONS sont inculpés. Rapidement un des délégués élus du camp et responsable du comité d’auto défense, Do Than Ky, 28 ans, est désigné comme le maître d’œuvre de l’attaque. C’est le plus jeune des inculpés, tous les autres ont plus de trente ans. Un comité de défense des travailleurs vietnamiens se met en place et publie un bulletin dès le mois d’août 1948. Sous le parrainage d’André Breton, Benjamin Perret ou encore René Dumont, il s’oppose à la manière brutale qui est la règle pour les rapatriements et pour la défense des emprisonnés.
Source : https://wikirouge.net/wr/index.php?title=Massacre_de_Mazargues&mobileaction=toggle_view_desktop
Ce qui suit est le point de vue des staliniens sur le massacre :
« Désorganisé par ces arrestations, le camp voit revenir en son sein une équipe de mauvais garçons qui réin¬troduisent le jeu et divers trafics interdits lors de la prise en main des camps par les délégués. Au dire de certains des protagonistes, ils tentent de s’affubler de l’autorité du représentant d’Hô Chi Minh en France. Ils s’oppo-sent violement à. ceux qui tentent de maintenir une discipline et un ordre qui ont prévalu jusqu’alors. Ils s’affrontent même au sein du service d’ordre (la police interne du camp) reconnu par l’administration. La situation devient explosive de jour en jour : insultes, dénonciations, menaces de mort, agressions physiques etc... Dans la nuit du 15 mai 1948, ce groupe convoque une réunion dans une salle du camp. Le bruit court qu’elle a pour but l’élimination des délégués. Une effervescence incontrôlable s’empare du camp. La salle où s’entassent 70 personnes est attaquée par des centaines de travailleurs excédés par des semaines de tension et d’incidents. L’électricité coupée, une violente bagarre Fait rage. La police française trouvera 5 cadavres et quarante blessés jonchant le sol. La presse Fera ses choux gras des blessures horribles des corps transpercés par des barres de Fer ou des pieds de lit, d’yeux crevés etc... Officiellement, la version des événements est que les trotskystes ont attaqué préventivement les staliniens. "Mais non" s’insurge encore aujourd’hui Dang Van Long. "Nous Trotskystes" n’avons jamais donné d’ordre de cette nature. Mais la situation était incontrôlable. Ces multiples incidents des semaines précédentes avaient préparé cette explosion de violence. Dans le camp des soi-disant staliniens, il n’y avait que très peu de militants politisés, mais beaucoup de voyous qui tentaient de se réclamer d’Hô Chi Minh pour cacher leurs trafics. Nous avons essayé de calmer la situation, mais c’était impossible. Des gens qui n’avaient rien à voir avec tout ça ont même été menacés ; c’était une nuit d’horreur." D’autres, se souviennent les assaillants, s’étaient noué une serviette blanche autour du cou ou de la tête en signe de reconnaissance car ils avaient coupé l’électricité et ils devaient se reconnaître dans la nuit. »
Source : http://www.travailleurs-indochinois.org/images/MOI-PVN.pdf
Ho Chi Minh : « Les trotskystes ne sont pas seulement des ennemis du communisme, mais aussi des ennemis de la démocratie et du progrès. »
Ho Chi Minh :
“The Trotskyists are not only enemies of communism, but also enemies of democracy and progress.”
Source : https://espressostalinist.com/2011/07/30/ho-chi-minh-on-trotskyites/
Stalinisme et trotskysme au Vietnam
Trotskystes et staliniens au Vietnam :
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article578
En souvenir de la révolution et des révolutionnaires vietnamiens :
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5073
Les trotskystes vietnamiens en France :
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article1371
La Lutte, journal et organisation des travailleurs communistes révolutionnaires indochinois, en France :