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Ordre et désordre de la matière, deux réalités complètement et dialectiquement imbriquées

lundi 17 septembre 2012, par Robert Paris

DES STRUCTURES ISSUES DE L’AGITATION MOLÉCULAIRE

Structures auto-organisées de la neige

Deux sortes de structures auto-organisées de la glace à basse pression

Structures auto-organisées de l’eau qui bout

Structures auto-organisées issues de la convection à la surface du soleil

Formation des cristaux liquides cholestériques

Auto-organisation des protéines

Auto-organisation d’une réaction chimique (structures stationnaires de Turing)

Structure auto-organisée d’un seul atome avec son nuage de polarisation

Auto-organisation de domaines magnétiques dans GaMnAsP.

Structure fractale du chou romanesco

Auto-organisation du cerveau

Ordre et désordre de la matière, deux réalités complètement et dialectiquement imbriquées

Selon la thèse classique, la physique est l’étude de l’ordre de la matière, ordre marqué par une obéissance à des lois et qui opposerait la matière inerte à l’univers humain marqué par la liberté, avec une interface que serait le Vivant, combinaison de hasard et de nécessité. Mais est-il exact que la matière obéisse à un ordre strict marqué par des lois mathématiques ? Il convient tout d’abord de remarquer que l’existence de lois n’écarte pas le hasard puisque ces lois, comme celles de la physique quantique, peuvent n’indiquer que des des probabilités que la matière choisisse telle ou telle voie. Ainsi, la physique quantique n’est que probabiliste. On peut également citer le domaine du chaos déterministe, qui obéit à des lois puisqu’il est déterministe, mais dans lequel les lois ne donnent pas une seule solution et pour lequel la proximité des solutions permet de sauter d’une solution à une autre aisément par un action d’un niveau d’organisation inférieur.

Que vient faire ici le « niveau d’organisation » de la matière ? Eh bien, il convient tout d’abord de remarquer que la physique n’a pu développer des lois mathématiques qu’en spécifiant à quel niveau hiérarchique elles s’appliquaient et en admettant ne pas s’intéresser à ce qui se passait au passage d’un niveau à un autre. A chaque niveau, elle prétendait avoir trouvé un ordre représenté par des lois, et se contentait de discuter de ce qui se passait à chaque niveau comme si cela ne posait pas le problème des transitions et aussi le problème du fonctionnement général. En effet, tout objet matériel n’appartient-il pas en même temps à toutes les échelles de la matière ?

C’est un peu comme si on vous demandait à quelle vitesse vous vous déplacez en marchant. Difficile d’y répondre puisque votre corps a une vitesse par rapport aux objets macroscopiques qui vous entourent, une autre par rapport au soleil, une autre par rapport à chaque planète, une autre par rapport au centre la galaxie et ainsi de suite, mais aussi des parties de notre corps ont-elles aussi des vitesses étonnantes comme celles de nos molécules ou de nos particules, etc… Nous existons en même temps à tous ces niveaux qui sont complètement imbriqués et ne peuvent être étudiés séparément que de manière purement théorique. Aucun niveau n’existe sans celui du dessus et celui du dessous, échange sans cesse informations et énergies des deux côtés et aucun niveau n’a de sens sans les niveaux supérieur et inférieur.

L’ordre est considéré par nombre d’auteurs comme l’état de base de la matière. Chaque structure est considérée comme la plus « naturelle » que toute autre organisation et chaque écart vis-à-vis de cette structure (l’ordre) est considéré comme une agitation (le désordre).

Ce n’est que l’une des parties de la réalité et c’est aussi une philosophie complètement fausse pour comprendre la matière. Elle est née en France (au plan des termes) notamment de la religion, les ordres monastiques considérant le désordre comme « manquement aux règles monastiques ».

En effet, sans l’agitation des molécules, par exemple, comment se constitueraient les plus belles structures ordonnées, à moins qu’un ordonnateur suprême ne place lui-même chaque atome à sa place, par exemple dans un cristal ? Dans la constitution d’un ordre, le désordre est donc bel et bien indispensable !

Cela explique que les physiciens pensaient trouver au niveau particulaire, considéré comme fondamental, un ordre absolu. Ils ont été singulièrement déçus. Ce n’est même pas un désordre qu’ils ont trouvé mais une imbrication dialectique d’ordre et de désordre !

En fait, il convient de remarquer qu’il n’y a pas « UN » ordre mais « DES » ordre différents à des échelles successives emboitées et entre ces ordres, il y a de l’agitation. Aux interfaces, on trouve des situations critiques. Faut-il considérer les niveaux d’ordre comme des fondements ou les situations critiques aux interfaces sont-elles les véritables fondements du fonctionnement ? Il est certain en tout cas que l’on ne peut pas décrire la matière par les seuls ordres à chaque niveau et qu’il faut aussi concevoir les passages (les états critiques). Dans ces états, ont lieu des fluctuations géantes de l’ordre inférieur dans lesquelles le niveau inférieur est capable de détruire et de construire l’ordre supérieur.

Chaque ordre a ses limites qui sont une zone d’interaction turbulente. C’est cette situation intermédiaire (toute une zone) qui explique que l’interaction d’échelle permette de sauter un niveau. Le désordre est donc créateur d’ordre. Ce n’est pas l’ordre qui explique l’ordre mais le désordre qui fonde l’ordre… Les mécanismes de rétroaction entre échelles ordonnées de la matière, via le désordre critique de l’interface, sont légion et ils expliquent aussi bien les relations entre les particules du vide et les particules de matière, entre les particules de matière et les molécules, entre molécules et matériaux macroscopiques, entre macroscopique et astrophysique (galaxies, amas, groupe d’amas, etc…).

Il convient de remarquer que les structures cristallines, loin d’être des ordres fixes, changent sans cesse. Ainsi, un cristal de glace (eau glacée) va sans cesse sauter d’une structure à une autre sans que ce structures soient semblables et donc sans qu’elles puissent changer continûment.

L’explication de l’existence des structures durables, d’un ordre, provient justement de processus de changement, un désordre. C’est le cas au niveau macroscopique du cristal mais il en va de même à tous les niveaux hiérarchiques.

Penser le monde comme une série d’ordres fixes emboités rend le monde totalement incompréhensible. Seule une dialectique de l’ordre et du désordre peut décrire le monde que nous observons.

Les molécules changent d’état. Nous ne le voyons pas car ces changements se font à la picoseconde et en dessous et que c’est trop rapide pour être observé aisément. C’est seulement récemment que nous avons pu atteindre l’observation à la picoseconde et l’avenir nous réserve des surprises.

La vision non dynamique, non fondée sur des changements brutaux et qualitatifs, sur des ordres de la matière dépourvus de désordres, est complètement dépassée.

L’ordre de la particule que l’on avait prétendu « élémentaire », est inconcevable sans l’agitation extraordinairement dynamique des particules et antiparticules virtuelles autour.

L’ordre de l’étoile est inconcevable sans les mouvements extraordinairement agités des gaz et plasmas et les explosions nucléaires du noyau.

L’ordre des galaxies est inconcevable sans les énergies fantastiques des mouvements des bulles du vide qui les séparent.

A tous les niveaux, les physiciens essaient d’écarter de leurs observations ce qu’ils appellent « le bruit » et qui n’est rien d’autre que l’agitation indispensable à la constitution d’un niveau hiérarchique d’organisation.

C’est un peu comme le spécialiste des singes qui constaterait l’existence de mâles dominants en considérant comme un « bruit » à écarter le combat des mâles pour devenir dominant, combat qui reprend périodiquement pour contester le chef du moment…

Il est vrai que la physique mathématique « marche » et cela mérite de réfléchir pourquoi. Einstein lui-même s’interrogeait à ce propos et ne trouvait pas l’explication évidente. Le monde mathématique ne lui semblait nullement semblable au monde réel. Le fond de la question est la possibilité d’observer à une échelle en négligeant les autres, que ce soit les plus grandes ou les plus petites, tout en sachant que, si on raisonnait à une autre échelle, le résultat ne serait pas le même.

Donnons-en un exemple simple. A notre échelle, humaine, deux fils à plomb sont verticaux et parallèles et c’est grâce à eux que l’on a construit bien des bâtiments. Pourtant, nous savons que la Terre est ronde et qu’à son échelle, les fils à plomb sont tous dirigés vers le centre de notre planète et donc très loin d’être des droites parallèles !

Il en va de même de toutes les lois : vraies à une échelle et fausse à une autre.

Par exemple, à notre échelle il y a conservation de l’énergie mais cela n’est plus vrai au niveau quantique.

A notre échelle, le temps s’écoule apparemment continûment et de manière directionnelle et les objets suivent apparemment continûment des trajectoires. Ils sont dans un état et pas simultanément dans un autre, dans une position et pas dans une autre. Tout cela devient faux au niveau des particules et encore plus faux au niveau du vide quantique !

En fait, la physique est très vite tombée sur des phénomènes de passage du désordre à l’ordre et inversement…

Par exemple, l’explosion d’un noyau nucléaire instable sans action extérieure est un cas d’ordre structurel qui se démolit spontanément en cassant la structure avec une création de désordre très importante.

La supernovæ est un autre exemple de déstructuration spontanée d’un ordre, celui de l’étoile. En un temps relativement court, une structure qui a été très durable implose expulsant de manière violente tous ses matériaux.

Le choc de deux particules se heurtant directement à grande vitesse et disparaissant pour ne donner que de la lumière, telle qu’elle se réalise dans les accélérateurs, montre que deux structures qui symbolisaient l’ordre fondamental peuvent se changer en une situation où tout est devenu du désordre, du mouvement ou de l’énergie.

Les phénomènes d’auto-organisation sont bien entendu des cas de construction d’ordre à partir du désordre. Les exemples abondent et ont une grande importance puisqu’ils constituent toutes les structures ordonnées que nous connaissons, aucune d’entre elle n’étant autre chose qu’un produit de l’auto-organisation. L’étoile nait de l’agitation du nuage interstellaire. Le réseau cristallin est issu des agitations des atomes. L’ordre des états de la matière (solide-liquide-gazeux) est issu de l’agitation moléculaire. Depuis les études sur l’auto-organisation spontanée loin de l’équilibre de Ilya Prigogine, la naissance spontanée d’ordre à partir du désordre, les exemples n’ont pas cessé d’augmenter dont les plus remarquables sont issus du vivant, avec notamment l’organisation spontanée des neurones du cerveau. On remarquera que la capacité même de notre cerveau est issue d’un message nerveux désordonné ! La matière dite inerte n’a pas moins de capacités d’auto-organisation comme le montre le paradigme du tas de sable.

Le message philosophique selon lequel l’ordre serait la nature et le désordre contre-nature est bel et bien battu en brèche.

Le message métaphysique selon lequel l’ordre et le désordre seraient diamétralement opposés et incompatibles est tout autant remis en cause.

Il apparaît, au contraire, qu’ils sont inséparables, indispensables l’un à l’autre, sans cesse en interaction et en construction mutuelle.

La thermodynamique avait d’abord cru que le mouvement naturel avait un sens allant de l’ordre vers le désordre. C’était sans compter sur des échanges d’entropie entre zones. Sans contredire un mouvement général vers le désordre (vers une dégradation globale qualitative des énergies), il est possible de construire une augmentation des niveaux d’organisation au prix d’une grande quantité d’énergie.

Ainsi, du point de vue thermodynamique, l’apparition d’une galaxie, d’une étoile, d’une planète ou de la vie, est tout à fait concevable si du désordre s’est développé dans une zone en même temps qu’apparaissait de l’ordre dans une autre. L’organisation a un coût mais elle n’est pas impossible et elle n’est pas un miracle devant les lois de la nature, contrairement à ce que l’on croyait.

En physique, les passages de l’ordre au désordre ont un nom : c’est l’entropie. Les thermodynamiciens avaient en effet remarqué qu’on devait non seulement parler des mouvements, des vitesses, des énergies, mais aussi des sauts de qualité de l’énergie, en fait des sauts de niveaux hiérarchiques d’organisation, dans un sens comme dans l’autre, sauts que l’ont peut qualifier d’augmentation ou diminution du désordre… Les thermodynamiciens de l’époque, les Clausius, les Sadi Carnot, pensaient qu’il y avait un sens « naturel » des transformations : alors que l’énergie globale restait constante, l’entropie (proportionnelle à la perte de qualité de l’énergie) augmentait sans cesse…

L’énergie passait alors pour synonyme de continuité et l’entropie de discontinuité…

Boltzmann avait démontré que dans le désordre entropique, on pouvait faire entrer un ordre : celui du nombre d’arrangements organisés possibles.

Prigogine devait démontrer que l’on pouvait diminuer l’entropie spontanément dans un système loin de l’équilibre….

L’interpénétration d’ordre et de désordre est désormais à l’œuvre dans la physique, même si les termes, les modes de réflexion et la vulgarisation n’ont pas suivi. Sans même parler de renverser la philosophie de l’ordre (fixe, prédéterminé, prédictible, préalablement structuré, sans choix possibles, diamétralement opposé au désordre, …) prétendument attachée aux sciences…

Concluons par une citation d’Annie Lesne, physicienne :

« Les notions d’ordre et de désordre sont généralement envisagées à une échelle donnée. Ainsi la mécanique statistique décrit comment un ordre macroscopique émerge du désordre microscopique des molécules en agitation thermique. Mais il existe des phénomènes, dits « critiques », où ce désordre microscopique est amplifié, jusqu’à devenir observable à notre échelle. Des fluctuations géantes et des structures fractales se forment : l’ordre macroscopique est détruit. Un exemple classique est l’aspect opalescent d’un fluide à sa température critique, opalescence due à des fluctuations de densité de tailles comparables aux longueurs d’onde visibles. De ce désordre extrême qui abolit la séparation entre le monde microscopique et le monde macroscopique émerge une nouvelle forme d’ordre : les propriétés aux différentes échelles sont similaires et se correspondent comme des poupées russes. L’ordre se situe maintenant dans cet emboitement autosimilaire : le décrire permet d’expliquer et de prédire les phénomènes. Stabilisée par des mécanismes de rétroaction, cette forme d’ordre « traversant les échelles » pourrait être à l’œuvre dans de nombreux systèmes complexes physiques ou biologiques. »

Quand l’ordre et le désordre sont complètement imbriqués, les lois mathématiques sont mises au défi…

Le physicien Uriel Frisch expliquait :

« Un de mes patrons, Robert Kraichnan, disait « La turbulence, c’est mélange intime d’ordre et de désordre. » J’adhère toujours à ce point de vue. De petites perturbations peuvent croître très rapidement et l’on ne peut prédire ce qui va se passer. En revanche, de nombreux aspects sont très robustes. Expliquer ce grand mélange d’ordre et de désordre est un grand défi. »

Des cycles désordre-ordre-désordre

Ordre et désordre, union et désunion, construction et destruction

L’auto-organisation ou l’ordre spontanément issu du désordre

Qu’est-ce que l’auto-organisation ?

A la base de tout, il y a... l’auto-organisation !

Lire sur le chaos déterministe

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