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Sur la philosophie de Descartes
mercredi 29 septembre 2010
La raison est la seule chose qui nous rend hommes.
Extrait de Discours de la méthode
Toute science est une connaissance certaine et évidente.
Extrait des Règles pour la direction de l’esprit
Je pense, donc je suis.
Extrait du Discours de la méthode
La citation exacte est : « Mais aussitôt après je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi qui le pensais fusse quelque chose ; et remarquant que cette vérité, je pense, donc je suis, était si ferme et si assurée, que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n’étaient pas capables de l’ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir sans scrupule pour le premier principe de la philosophie que je cherchais. Mais il y a un je ne sais quel trompeur très puissant et très rusé, qui emploie toute son industrie à me tromper toujours. Il n’y a donc point de doute que je suis, s’il me trompe ; et qu’il me trompe tant qu’il voudra il ne saurait jamais faire que je ne sois rien, tant que je penserai être quelque chose. De sorte qu’après y avoir bien pensé, et avoir soigneusement examiné toutes choses, enfin il faut conclure, et tenir pour constant que cette proposition : Je suis, j’existe, est nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce, ou que je la conçois en mon esprit. »
Descartes est pris pour un théoricien de la démarche scientifique parce qu’il considère les mathématiques comme la philosophie de base, mais, en réalité, il considère la métaphysique comme la racine de tout : « Ainsi toute la philosophie est comme un arbre, dont les racines sont la métaphysique, le tronc est la physique et les branches qui sortent de ce tronc sont toutes les autres sciences qui se réduisent à trois principales, à savoir la médecine, la mécanique et la morale, j’entends la plus haute et la plus parfaite morale, qui, présupposant une entière connaissance des autres sciences, est le dernier degré de la sagesse. Or comme ce n’est pas des racines, ni du tronc des arbres, qu’on cueille les fruits, mais seulement des extrémités de leurs branches, ainsi la principale utilité de la philosophie dépend de celles de ses parties qu’on ne peut apprendre que les dernières. »
Descartes affirme un dualisme radical entre l’âme (la res cogitans, la pensée) et le corps (la res extensa, l’étendue). Il radicalise sa position en refusant d’accorder la pensée à l’animal, le concevant comme une « machine, c’est-à-dire un corps dépourvu d’âme. Cette théorie sera critiquée à l’époque des Lumières, notamment par Voltaire, Diderot et Rousseau.
Sa méthode philosophique et scientifique, exposée à partir de 1628 dans les Règles pour la direction de l’esprit, puis dans le Discours de la méthode en 1637, affirme constamment une rupture par rapport à la scolastique enseignée dans l’Université. Elle se caractérise par sa simplicité (Descartes la résume en peu de règles, quatre en tout dans le Discours de la méthode) et prétend rompre avec les interminables raisonnements scolastiques. Elle prend pour modèle la méthode mathématique, cherchant à remplacer la syllogistique aristotélicienne utilisée pendant tout le Moyen Âge.
La gravité de l’erreur du dualisme cartésien séparant de manière non dialectique le couple corps/esprit ne peut être sous-estimée, comme l’a souligné le neuroscientifique Antonio R. Damasio dans « L’erreur de Descartes » :
« Comme vous l’avez vu, j’ai combattu dans ce livre à la fois la conception dualiste de Descartes selon laquelle l’esprit est distinct du cerveau et du corps et ses variantes modernes. Selon l’une de ces dernières, il existe bien un rapport entre l’esprit et le cerveau, mais seulement dans le sens où l’esprit est une espèce de programme informatique pouvant être mis en œuvre dans une sorte d’ordinateur appelé cerveau (…) Quelle a donc été l’erreur de Descartes ? (…) On pourrait commencer par lui reprocher d’avoir poussé les biologistes à adopter – et ceci est encore vrai à notre époque – les mécanismes d’horlogerie comme modèle explicatif pour les processus biologiques. Mais peut-être cela ne serait-il pas tout à fait équitable ; aussi vaut-il mieux se tourner vers le « Je pense, donc je suis ». (…) Prise à la lettre, cette formule illustre précisément le contraire de ce que je crois être la vérité concernant l’origine de l’esprit et les rapports entre esprit et corps. Elle suggère que penser, et la conscience de penser, sont les fondements réels de l’être. Et, puisque nous savons que Descartes estimait que la pensée était une activité complètement séparée du corps, sa formule consacre la séparation de l’esprit, la « chose pensante », et du corps non pensant qui est caractérisé par son « étendue » et des organes mécaniques. (…) A mes yeux, le fait d’exister a précédé celui de penser. Ceci est d’ailleurs vrai pour chacun de nous : tandis que nous venons au monde et nous développons, nous commençons par exister et, seulement plus tard, nous pensons. (…) C’est là qu’est l’erreur de Descartes. Il a instauré une séparation catégorique entre le corps, fait de matière, doté de dimensions, mû par des mécanismes, d’un côté, et l’esprit, non matériel, sans dimensions et exempt de tout mécanisme, de l’autre. (…) Et spécifiquement, il a posé que les opérations de l’esprit les plus délicates n’avaient rien à voir avec l’organisation et le fonctionnement d’un organisme biologique. (…) Dans le problème de l’esprit, du corps et du cerveau, l’erreur de Descartes continue à exercer une grande influence. (…) En fait, si l’on peut considérer l’esprit séparément du corps, on peut peut-être même essayer de le comprendre sans faire appel à la neurobiologie, sans avoir besoin de tenir compte des connaissances de neuro-anatomie, de neurophysiologie et de neurochimie. (…) On peut aussi voir un certain dualisme cartésien (posant une séparation entre le cerveau et le corps) dans l’attitude des spécialistes des neurosciences qui pensent que les processus mentaux peuvent être expliqués seulement en termes de phénomènes cérébraux, en laissant de côté le reste de l’organisme, ainsi que l’environnement physique et social (…) L’idée d’un esprit séparé du corps a semble-t-il également orienté la façon dont la médecine occidentale s’est attaquée à l’étude et au traitement des maladies. (…) Le phénomène mental n’a guère préoccupé la médecine classique et, en fait, n’a pas constitué un centre d’intérêt prioritaire pour la spécialité médicale consacrée à l’étude des maladies du cerveau : la neurologie. (…) Depuis trois siècles, le but des études biologiques et médicales est de comprendre la physiologie et la pathologie du corps proprement dit. L’esprit a été mis de côté, pour être surtout pris en compte par la philosophie et la religion, et même après qu’il est devenu l’objet d’une discipline spécifique, la psychologie, il n’a commencé à être envisagé en biologie et en médecine que récemment. (…) La conséquence de tout cela a été l’amoindrissement de la notion d’homme telle qu’elle est prise en compte par la médecine dans le cadre de son travail. Il ne faut pas s’étonner que l’impact des maladies du corps sur la psychologie ne soit considéré que de façon annexe ou pas du tout. (…) On commence enfin à accepter l’idée que les troubles psychologiques, graves ou légers, peuvent déterminer des maladies du corps proprement dit (…) La mise à l’écart des phénomènes mentaux par la biologie et la médecine occidentales, par suite d’une vision cartésienne de l’homme, a entraîné deux grandes conséquences négatives. La première concerne le domaine de la science. La tentative de comprendre le fonctionnement mental en termes biologiques généraux a été retardée de plusieurs décennies, et il faut honnêtement reconnaître qu’elle a à peine commencé. Mieux vaut tard que jamais, bien sûr, mais cela veut dire tout de même que les problèmes humains n’ont jusqu’ici pas pu bénéficier des lumières qu’aurait pu leur apporter une compréhension profonde de la biologie des processus mentaux. La seconde conséquence négative concerne le diagnostic et le traitement efficace des maladies humaines. (…) Une conception faussée de l’organisme humain, combinée à l’inflation des connaissances et à une tendance accrue à la spécialisation, concourent à diminuer la qualité de la médecine actuelle plutôt qu’à l’augmenter. "
« La position de référence en la matière est sans conteste le dualisme cartésien, qui admet que le corps et l’esprit sont deux principes premiers, irréductible l’un à l’autre. (...) La position la plus communément adoptée est une espèce de dualisme implicite, accompagné d’une coupure schizophrène. Quand on met le chapeau scientifique, on adopte une position mécaniste et matérialiste : dès lors, en tant que tel, est quelque chose qui, en étant impensable, n’existe pas. Quand (et si) on redevient un être humain normal, on adopte une position préscientifique : l’ « esprit » existe en toute simplicité comme une réalité directe et la question de son rapport à la matérialité scientifique ne se pose pas. » écrit John Stuart dans « la relation du corps et de l’esprit » dans l’ouvrage collectif « Dictionnaire de l’ignorance ».