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La politique des guerres impérialistes soi-disant anti-terroristes, loin de réduire le terrorisme, l’a développé

mardi 16 août 2011, par Robert Paris

IRAK

L’Irak a vécu une journée d’enfer. Pas moins d’une douzaine de villes ont été frappées, Kout la plus durement, tout au long de la matinée. Le bilan est d’au moins 66 morts, et devrait s’alourdir car plus de 230 personnes ont été blessées, certaines grièvement.

C’est un double attentat à la bombe qui a semé la mort dans le centre-ville bondé de Kout. Dans la capitale irakienne Bagdad, quatre attaques ont eu lieu. “C’est une voiture piégée qui a explosé ici, témoigne un habitant de Bagdad. Je ne sais pas comment elle a pu entrer dans cette zone malgré les nombreux contrôles”.

Cette vague d’attaques à travers tout le pays est sans précédent depuis le début de l’année. L’armée irakienne montre du doigt des groupes liés à Al-Qaïda. “Il s’agit de miner la confiance des forces de sécurité”, estime un général. A Najaf, dans le sud, deux voitures piégées visaient effectivement un poste de police. La plupart des sept morts et des 60 blessés sont des policiers. A Tikrit, deux faux policiers kamikazes se sont fait exploser dans les locaux de la section anti-terroriste. Trois agents des forces de sécurité ont été tués. A Kirkouk en revanche, ce sont avant tout des civils qui ont été victimes des attentats.

AFGHANISTAN

« Depuis trois mois, les talibans intensifient leurs opérations dans tout le pays. Plus que jamais, ils essaient de prouver qu’eux seuls détiennent la clé de la sécurité en Afghanistan. Ce regain de violence est évidemment lié au retrait programmé de la force internationale (Isaf), et plus particulièrement au calendrier établi par le président Obama. Les troupes américaines ont déjà entamé leur retour au pays, et l’enjeu principal est celui du transfert de la compétence sécuritaire à l’armée afghane, qui doit compter 300 000 hommes à l’issue du processus, en 2014.

Dans ce contexte, l’objectif de l’offensive des talibans est double. D’une part, réaffirmer leur puissance et montrer qu’ils peuvent frapper n’importe quand et n’importe où. L’hélicoptère américain abattu le samedi 6 août – 38 victimes – est à ce titre un coup énorme porté à la coalition, d’autant qu’il a eu lieu dans la province du Wardak (centre) qui n’est, a priori, pas sous influence des talibans.

D’autre part, le but est d’exhiber l’incapacité du gouvernement : c’est le second volet de l’offensive. L’enjeu de la sécurité est central. Depuis juillet, la majorité des assauts ont d’ailleurs lieu dans les provinces dont le contrôle a été rendu au gouvernement de Kaboul, et qui sont donc sous sa responsabilité. C’est le cas de l’attaque-suicide de dimanche 14 août contre le gouverneur de la province de Parwan, à 50 km au nord de la capitale.
Les talibans veulent forcer la coalition à négocier

On constate une stratégie de ciblage des personnalités censées assumer la sécurité du pays après le départ de l’Isaf, en particulier les chefs militaires issus de l’ex-Alliance du Nord du commandant Massoud, qui combattirent les talibans en 2001.

La signification politique est claire : les talibans disent à la coalition internationale et aux Afghans qu’une solution politique passe directement par eux et qu’il faudra négocier. Ils ont des contacts avec les États-Unis depuis un an déjà, mais la phase de transfert de la sécurité à l’armée afghane leur permet de mettre en évidence le rapport de force et la faiblesse du pouvoir actuel.

À ce jour, seule la province de Bamiyan (centre) n’est pas touchée, car l’homogénéité ethnique (c’est le fief de la minorité chiite des Hazaras) y agit comme une barrière à leur influence. Mais aujourd’hui, les talibans ont des points de chute partout ailleurs. »

Dans un communiqué préparé par l’état-major particulier de la présidence de la République et diffusé dimanche, l’Élysée annonce la mort du lieutenant Camille Levrel Dans ce document, le chef de l’État "exprime, à nouveau, la détermination de la France à continuer d’oeuvrer au sein de la Force internationale d’assistance à la sécurité pour rétablir paix et stabilité dans ce pays et contribuer à son développement". C’est la formule consacrée copiée-collée, rien de neuf.

En revanche, l’Élysée innove en portant un jugement sur la nature des combats. Il considère que la recrudescence des attaques meurtrières contre les soldats français traduit "l’intensité de combats désespérés des insurgés". Dans une analyse assez proche, affichant lui aussi la conviction que les insurgés sont en train de perdre la guerre de dix années conduite par la coalition en Afghanistan, le chef d’état-major des armées, l’amiral Édouard Guillaud, a estimé le 14 juillet dernier : "Les talibans modifient leur guerre. Ils ont sans doute compris qu’ils ne pourraient pas gagner sur le terrain et ils sont passés sur le mode de la terreur aveugle, c’est-à-dire attentat-suicide." Le chef des armées et la plus haute autorité militaire du pays disposent sans doute d’informations qu’ils ne partagent pas, sur la nature des combats en Afghanistan.

Tactiques inhabituelles

Mais les forces de la coalition doivent affronter des insurgés aux stratégies sans doute disparates, et poursuivant la mise en danger des forces occidentales. Rappelons que les Français ont perdu 21 soldats en Afghanistan pour la seule année 2011, et 74 au total. Ils doivent affronter des tactiques inhabituelles, dont il est très difficile de se protéger, comme les attentats-suicides. Sauf que les derniers décès français ne sont pas seulement à mettre au compte d’opérations kamikazes, mais bien d’opérations de guerre "classique".

Les insurgés conduisent aussi actuellement des opérations élaborées, voire combinées, illustrant moins leur prétendu "désespoir" qu’une agressivité tactique croissante. Le 6 août dernier, ils abattaient un hélicoptère Chinook en tuant ses 38 occupants, dont 31 membres des forces spéciales américaines et 7 Afghans. Il n’est pas impossible que ces troupes d’élite aient en fait été attirées dans un piège.

Attaque meurtrière

Le mois dernier, c’est le demi-frère du président Karzai qui était assassiné. Dimanche, le gouverneur Abdul Basir Salangi, de la province de Parwan à 55 km au nord de Kaboul, a subi une attaque mêlant une phase de combat conventionnel à une opération-suicide. Cet ancien lieutenant d’Ahmed Shah Massoud, le "Lion du Panshir", est un homme en vue. Il avait réuni son entourage pour étudier les mesures à prendre dans sa province, que les troupes de l’Isaf doivent quitter en septembre pour en transférer la sécurité aux forces afghanes.

Alors que Salangi - qui avait été préalablement informé de l’imminence d’une attaque - tenait une réunion avec ses collaborateurs, un véhicule-suicide s’est jeté sur le portail de son "compound". Un assaillant a ensuite tiré avec un lance-grenade contre le poste de police situé en face et cinq autres sont ensuite entrés dans le bâtiment. Les combats ont duré une heure, et les insurgés sont morts, non sans avoir fait sauter, à l’issue des combats, les explosifs qu’ils portaient sur eux. Mais le bilan en face s’élève à 22 tués et 34 blessés, dont 10 policiers. Les assaillants ont-ils fait preuve de leur découragement ou de leur détermination ?

Avenir en préparation

Tout indique que ce basculement vers le "désespoir" que croient discerner les militaires conseillant la présidence est une illusion. Les insurgés répartis en différentes composantes, cherchant toutes à tirer les marrons du feu, sont de plus en plus actifs à mesure que le désengagement de l’Isaf se prépare.

Les Français commenceront, pour leur part, à confier en octobre à l’armée et à la police afghanes la sécurité de la province de Surobi dont ils ont la charge. Dans ce contexte, les insurgés, qu’il s’agisse des talibans ou des troupes des chefs de guerre et autres narcotrafiquants, préparent l’avenir, occupent des positions militaires, démontrent leurs capacités offensives et prennent date. Le gouvernement afghan se trouve dans un état de déliquescence avancé et ceux qui lui succéderont mènent le combat sur le terrain. Ils ont compris que le pouvoir est au bout du fusil et des bombes.

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