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Tout est-il virtuel ? La matière n’existe-t-elle que pour une conscience humaine ?

vendredi 20 avril 2012, par Robert Paris

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Tout est-il virtuel ? La matière n’existe-t-elle que pour une conscience humaine ? Le niveau virtuel du cerveau est-il indépendant du réel ?

On a souvent lu, ici ou là, des commentaires qui affirment que la physique quantique suppose que la conscience détermine la matière. Pour d’autres auteurs, la conscience est à mettre à part de la matière et ils conçoivent deux mondes et même plusieurs mondes. Le monde spirituel serait différent du monde matériel. Ce n’est pas la thèse que nous défendrons ici et pourtant, nous allons montrer que le virtuel existe bel et bien et qu’il est très réel....

Le « virtuel » suppose un monde qui dépasse la réalité du moment, qui pourrait théoriquement devenir réel mais ne l’est pas encore et ne le sera peut-être jamais. Les qualités inhérentes du virtuel, c’est le potentiel, l’imaginaire, l’inactuel, le fugitif, l’idéel, le non matérialisé. Les mysticismes, les religions, les idéalismes s’appuient bien entendu sur cette notion pour justifier leurs thèses. Cela ne signifie pas que le virtuel n’ait aucune existence. Cela ne signifie pas non plus que croire au virtuel est opposé à toute forme de matérialisme. Par contre, cela nécessite une nouvelle mutation de notre compréhension de la matérialité et aussi de la pensée humaine. Les scientifiques peuvent parfaitement développer des conceptions qui utilisent le virtuel pour concevoir des expériences de pensée qui ne pourront jamais être réalisées de façon matérielle et réelle mais qui nous permettent de trancher sur les possibles et sur ce qui ne l’est pas dans nos thèses. La simulation utilise des outils virtuels et permet d’imaginer bien des évolutions que nous ne pouvons pas analyser par des moyens « classiques ». Elles n’en sont pas moins scientifiques si elles sont bien conduites et si leurs résultats ne sont pas utilisés à mauvais escient. Mais l’utilisation du virtuel n’a pas attendu les simulations sur ordinateur. Les « expériences de pensée » comme celle bien connue du chat de Schrôdinger » ou celles des expériences EPR d’Einstein n’ont pas besoin d’un quelconque ordinateur et continuent à faire couler de l’encre…. Les mathématiques elles-mêmes ne sont rien d’autre qu’un outil virtuel au service de la compréhension du réel. Quand on parle de charge de la particule, on remplace à un phénomène réel par son image virtuelle et on finit par ne raisonner que sur cette image en oubliant parfois qu’on voulait surtout comprendre ce que faisait la charge réelle et comment elle le faisait… On est arrivé au point où, dans notre esprit, le virtuel a parfois complètement pris la place du réel, mais c’est surtout le cas quand notre science est encore incapable de vraiment répondre à nos questions réelles. En ce sens, la science n’est jamais complètement sortie d’une forme de religion ou de mystique. C’est un peu comme si nous parlions dans un téléphone, juste pour le plaisir de parler, sans parler vraiment à quelqu’un qui existe en chair et en os et qui répond à l’autre bout ! Ce n’est pas l’existence de l’outil du téléphone qui inventerait ainsi l’aspiration à parler à des gens inexistants ou avec lesquels on ne peut pas communiquer. Celle-ci n’a pas attendu l’apparition du téléphone. Certains avaient depuis longtemps fait parler les nuages, les oiseaux, les rêves, les tâches du café et les lignes de la main… Cela ne signifie nullement que ces tentatives de dépasser le réel soient ridicules. Elles sont, au contraire, indispensables à l’homme et, comme on va le voir dans la suite, elles sont également indispensables … à la matière ! Tout être a besoin du non-être pour exister, expliquait déjà le philosophe Hegel, et il montrait que ramener la réalité au seul actuel rend impossible tout mouvement et tout changement. Tout changement nécessite un potentiel qui dépasse l’actuel.

Bien des gens voient dans le virtuel une technologie s’appuyant entre autres sur l’informatique, le télévisuel, le cinéma, le jeu, et même, pour certains, les expériences psychologiques aux limites des capacités du cerveau (drogues, mysticisme, état méditatif et contemplatif, hallucination, rêve, etc…), le roman, la fiction, l’imaginaire, pour ne pas nous en tenir au monde réel. Le virtuel est donc un univers qui semble sortir des frontières du monde matériel et permettre une liberté qui n’est pas possible dans notre monde de tous les jours. On se souvient du peuple sénoï dont tous les membres apprenaient à retenir et diriger leurs rêves pour les orienter vers des expériences extraordinaires leur permettant de réussir leurs fantasmes… en rêve. Certains affirment qu’il est dangereux de vivre dans le virtuel car la chute finit par arriver et sera d’autant plus rude que le monde réel se rattrapera plus brutalement. On pense, par exemple, à des ados ou à des adultes qui vivent essentiellement dans leurs jeux vidéos ou dans des personnages de cinéma de fiction pour ne pas assumer leur vie dans ce monde insatisfaisant ou inquiétant. Certains hommes n’ont connu de femmes que sur écran et certains ne se conçoivent que comme héros de leurs jeux sur internet sans jamais adresser la parole à ces joueurs ! En ce sens, la vie en virtuel semble s’opposer à la vie réelle. Ces joueurs virtuels sont pourtant tout ce qu’il y a de réels, vivent dans le monde réel et n’ont pas une vie différente de la notre. Ils sont seulement trop stressés et les relations humaines leur semblent trop lourdes à porter.

Et, si nos cerveaux et nos technologies peuvent permettre d’accéder à un monde virtuel, c’est que cela est possible, à la fois matériellement et intellectuellement. Notre cerveau est capable de l’imaginaire et la matière ne s’en tient pas à l’actuel. L’homme peut se projeter et la matière n’est pas aussi platement temporelle qu’on le croyait. La matière et le cerveau possèdent en effet tous les deux des mécanismes virtuels qui sont parfaitement matériels et réels, et pas seulement imaginaires. Nous allons les rappeler brièvement avant de tenter de comprendre ce qu’est le virtuel.

Mais d’abord rappelons que le virtuel n’a nullement attendu l’informatique, la robotique, les jeux vidéos, l’internet, les films, pour permettre aux hommes de vivre dans des rêves éveillés. Les peuples dits « primitifs » comme les Senoï ont appris les méthodes psychologiques de maîtrise du virtuel pour donner un tour extraordinaire à leurs rêves. Ils ont apprenaient, dès enfants, à s’imaginer qu’ils allaient tuer le tigre, battaient leurs petits copains virtuellement ou conquéraient leur amoureuse en évoquant leurs rêves et les modifiant de nuit en nuit… Tout cela n’est pas produit par la technologie mais par le cerveau humain qui est capable de se projeter dans un univers imaginaire. Sans cette capacité du cerveau, aucune technologie ne permettrait de telles évocations.

Et la capacité essentielle du cerveau en question consiste à ne pas croire que ce que l’on voit, à construire lui-même la réalité à laquelle il croit et ne voir que ce qu’il a décidé de voir. Cela ne veut pas dire que ce que voit et ce que pense l’homme n’ait rien à voir avec le monde réel…

Le monde virtuel, produit de notre cerveau

Sur ce premier point, il est certain que le cerveau humain sait spontanément fonctionner en mode virtuel et ne s’en tient nullement à ce dont on est sûr, à ce que l’on voit à l’instant juste devant nous.

L’homme est un animal qui fonctionne largement dans le virtuel, sans cesse en projets, en imaginaire, en intuition, en rêves, en construction d’avenir, en mémoires à tous les niveaux, en plans, en découverte, etc…

Pour l’homme, bâtir, ce n’est jamais se contenter de l’actuel, du matériel, du visible, du sensible, du perceptible. Il n’y pas besoin d’être mystique pour vivre dans es rêves, dans son imaginaire, dans ses projets, dans des constructions intellectuelles, dans d’autres époques ou d’autres lieux que ceux où on vit. Sans cette capacité, nous ne pourrions pas lire un roman, voir un film romancé et être touchés par eux comme s’il s’agissait de la vie réelle.

C’est le besoin intellectuel de cet imaginaire qui explique les croyances, les mystiques, les expériences de pensée étant partie intégrante du mode de pensée. Nous ne pensons et ne percevons jamais directement le réel. Et notre pensée passe sans cesse par la suggestion d’interprétation qu’est l’action de certaines zones spécifiques du cerveau comme le cingula et qui ne se contentent nullement de ce qui est connu, de ce qui est rationnel, de ce qui est compatible avec l’ensemble des choses que l’on croit savoir.

Le cerveau ne produit pas seulement de l’analyse de l’actuel ni seulement de l’étude du monde perçu. Il imagine. Il construit. Il se raconte des histoires virtuelles et les compare aux produits de ses sens. La pensée dite réelle est composée à partir du virtuel, comme nous allons le voir.

C’est du virtuel produit par le cerveau. C’est aussi le virtuel le plus connu mais c’est loin d’être le seul. La matière, c’est moins connu, produit aussi du virtuel et elle est également produite par le virtuel. Nous allons même apprendre que ce monde virtuel est le seul monde réel, la matière telle que nous croyons la percevoir n’étant qu’une apparence….

La mémoire, par exemple, a besoin du virtuel pour fonctionner. Pour nous le passé n’est pas seulement du passé, quelque chose sur lequel on ne peut plus revenir, qu’on ne peut plus modifier, qui est figé et condamné à se perdre progressivement. C’est une construction tournée vers l’avenir. Cet avenir fait de projets, de désirs, de plans est du virtuel qui commande à la mémoire. Cette dernière est chargée de donner une base « réelle » à nos projections vers l’avant. Il n’y pas de succession linéaire du passé vers le futur en passant par le présent mais une interpénétration contradictoire du passé et de l’avenir sans laquelle le présent n’aurait plus de sens. Le souvenir permet de réactualiser un événement du passé que nous faisons semblant de revivre pour nous en approprier les apports. Mais il ne s’agit pas d’une simple évocation gratuite. C’est un besoin nécessité par les questions présentes et à venir que pose notre cerveau. Le caractère dynamique du fonctionnement cérébral, fondé sur le virtuel, sans cesse en construction, sans cesse en contradiction est donc général. Le passé n’agit pas comme un substrat inerte, inchangé et inchangeable. Nous pouvons agir sur notre passé afin de donner un sens au présent et de préparer l’avenir, et nous ne cessons pas de le faire. Nos pertes de mémoire liées à l’âge peuvent parfaitement n’avoir rien de purement physiologique. Elles peuvent découler du fait que l’individu ne se projette plus dans l’avenir, n’a plus de projets. Du coup, il cesse partiellement de faire appel à ses souvenirs en vue d’actions futures. La mémoire qui n’est plus reconstruite perd de plus d’éléments. On conçoit ainsi qu’elle ne ressemble en rien à une simple conservation.

En cas d’amnésie sévère, ce n’est pas seulement le passé qui est affecté : c’est le présent et le futur. L’individu malade ne dispose plus des références indispensables Non seulement il peut ne plus reconnaître des individus, des situations mais il peut ne plus reconnaître des comportements simples et devenir indifférent à son entourage. Ce n’est pas seulement une connaissance du passé qui lui fait défaut. C’est la possibilité d’actionner le mécanisme par lequel la mémoire construit des fictions à partir d’évocations du passé afin de réaliser des projets. Et sans cette possibilité de modifier le passé pas de possibilité de construire un avenir. Les anciens ne perdent pas le passé, ils le conservent et, en le conservant, ils se ferment la possibilité de se projeter vers le futur. C’est ce qu’a démontré notamment l’équipe de Lilianne Manning de neuropsychologie de Strasbourg, la psychologue canadienne Endel Tulving, le professeur Martin Conway de Leeds (Angleterre), Eleanore Maguire de Londres, Aikaterini Potopoulou de Londres, Pascale Piolino de Paris, le professeur Daniel Schacter de Harvard, les neuropsychologues américains Randy Buckner et Daniel Caroll, le professeur Martial Van Der Linden de Genève et le professeur Arnaud D’Argembeau de Liège.

Citons les :

« La possibilité d’utiliser des événements du passé pour se projeter dans l’avenir est un fonction cruciale du cerveau. » dit Lilianne Manning.
« Tout le monde ne fabrique pas des faux souvenirs. Cela dépend notamment des capacités d’imagerie mentale de chacun. Les individus chez qui elles sont importantes ont plus de mal à faire la part des choses entre ce qu’ils ont imaginé et ce qu’ils ont vécu. » affirme Martial Van Der Linden.
« Nous extrayons des éléments d’expériences vécues et les recombinons pour simuler, imaginer notre futur. » explique Arnaud d’Argembeau.

On sait dorénavant que le réaménagement à chaque moment de notre passé, de l’ensemble de nos connaissances et de nos expériences mémorisées (c’est-à-dire qui ont été réévoquées dans un passé pas trop ancien) est un élément déterminant de notre personnalité. Une personne qui déprécie sa propre valeur du fait d’une dépression va se souvenir de tous les faits du passé qui confirment sa mauvaise appréciation d’elle-même. Pascale Piolino explique que « Nous complétons nos souvenirs vagues en nous appuyant sur des choses que nous savons de nous-mêmes, le but étant que le tout soit cohérent. »

Des spécialistes ont pu utiliser l’imagerie cérébrale dans les expériences de psychologie cognitive pour mettre en évidence des circuits concernés dans ce type de fonctionnement. Ils ont montré que le même type de circuit est concerné par l’évocation du passé que par celle du futur : un circuit passant par le cortex préfrontal antéro-médian et l’hippocampe.

Rita Carter raconte, dans « Atlas du cerveau », ces histoires du cerveau que permettent nos connaissances actuelles en neurosciences :
« L’immense majorité des fonctions mentales sont totalement ou partiellement latéralisées. L’origine de cette latéralisation est encore mal comprise, mais il semble qu’une fois arrivée dans le cerveau, l’information emprunte de multiples routes parallèles, et reçoit un traitement légèrement différent selon le chemin suivi (…) Chaque hémisphère choisit les tâches conformes à son style de fonctionnement, holistique ou analytique. Cette opposition de style s’expliquerait en partie par une curieuse différence physique des hémisphères. Ceux-ci sont un mélange de substance grise et de substance blanche. La substance grise correspond aux corps centraux des cellules cérébrales (…) La substance blanche (…) est composée de denses faisceaux d’axones – les prolongements émis par les corps cellulaires et transmettant l’influx nerveux. (…) Bien qu’infime, cette différence entre hémisphère droit et gauche est importante car elle signifie que les axones du cerveau droit sont plus longs et relie donc des neurones qui, en moyenne, sont plus dispersés. (…) Cela suggère que le cerveau gauche est mieux équipé que le cerveau gauche pour activer simultanément plusieurs modules cérébraux,(…) ce qui expliquerait l’inclination de cet hémisphère à produire des concepts généraux. (…) Le cerveau droit, doté d’une trame neuronale plus dense, est en revanche mieux équipé pour effectuer des tâches complexes, minutieuses, dépendant de la coopération étroite et constante de cellules pareillement spécialisées. (…) Les décisions conscientes, si elles semblent l’œuvre d’un seul partenaire dominant, reposent en fait sur les informations recueillies par les deux hémisphères. Mais ce dialogue connaît parfois des accrocs. L’hémisphère dominant peut ignorer l’information transmise par son partenaire et prendre une décision unilatérale. Cela peut se traduire par un trouble émotionnel difficile à justifier. Inversement, l’hémisphère non dominant peut passer outre au contrôle exécutif de son partenaire (…) Si quelques millièmes de secondes suffisent au corps calleux pour transmettre une énorme quantité d’informations entre les deux hémisphères, il arrive parfois qu’une information particulièrement importante pour un hémisphère s’attarde dans l’hémisphère émetteur et ne soit que faiblement enregistré par l’hémisphère récepteur. »

Nancy Huston développe l’idée d’une fonction cérébrale spécifiquement humaine : la "capacité fabulatrice" ! Comme elle l’écrit dans "L’espèce fabulatrice", « Aucun groupement humain n’a jamais été découvert circulant tranquillement dans le réel à la manière des autres animaux : sans religion, sans tabou, sans rituel, sans généalogie, sans contes, sans magie, sans histoires, sans recours à l’imaginaire, c’est-à-dire sans fictions.(...) C’est ainsi que nous, humains, voyons le monde : en l’interprétant, c’est-à-dire en l’inventant, car nous sommes fragiles, nettement plus fragiles que les autres grands primates.(...) Notre imagination supplée à notre fragilité. Sans elle - sans l’imagination qui confère au réel un Sens qu’il ne possède pas en lui-même - nous aurions déjà disparu. » "Notre cerveau nous raconte des bobards. Un exemple : les saccades. Plusieurs fois par seconde, nos yeux "sautent", interrompant brièvement leur captage du monde pour que notre cerveau puisse en construire une image continue. Quand nous marchons dans la rue, par exemple, notre tête change constamment de hauteur ; sans saccades nous verrions ce que l’on voit à l’écran pendant les scènes de "caméra à l’épaule" !"

Ce que nous apprend sur le virtuel la physique des particules

De nombreux travaux ont donné à penser que l’univers matériel qui nous entoure n’est qu’illusion. Ce n’est pas nécessairement des philosophes, scientifiques ou penseurs idéalistes (par exemple religieux) qui pensent ainsi. Des penseurs matérialistes ont analysé ainsi les expériences quantiques. Le réel peut être conçu comme la matière dite virtuelle et non comme la matière telle que nous la vivons tous les jours. C’est une espèce d’inversion entre réel et virtuel : le réel serait ce qu’on appelait virtuel et le virtuel serait ce qu’on appelait réel.

Oulala, direz-vous, c’est déjà drôlement embrouillé ! Et si vous nous disiez ce qu’on appelle actuellement réel et ce qu’on appelle virtuel, on pourrait peut-être commencer à vous suivre….

Allons-y !

Il convient d’abord de noter qu’il a ce qui s’exprime à un instant donné et de savoir que ce n’est pas tout ce qui existe. D’où les notions d’actuel et de potentiel.

Ça se complique ? Non, ça se précise. Car il a un problème temporel. Nous vivons dans un univers où le temps s’impose à toute description, même si nous avons bien du mal à mettre une interprétation sur cette omniprésence de l’écoulement du temps.

Donc, ce qu’il y a à retenir pour le moment :

 en présence de matière, il y a écoulement du temps

 la matière qui s’exprime par des phénomènes n’est pas toute la matière, mais seulement la matière actuelle

 la matière existe également sous forme potentielle

Où résident ces potentialités ?

Tout d’abord, dès qu’il y a matière, il y a une série discontinue d’états possibles et sauts d’un état à un autre. La matière, à un instant, n’est que dans un seul état. Si on effectue une mesure, on ne trouve qu’un seul état. Mais la même matière peut être dans une série d’autres états.

Ensuite, la matière n’est pas fixe. Elle n’est pas formée d’objets fixes, toujours les mêmes.

Comment comprendre cela ? Un électron ne serait pas toujours le même électron ? Ni un proton toujours le même proton ? Eh non !
La propriété « électron » saute d’une particule dite « virtuelle » du vide entourant l’électron actuel à une autre.

D’où vient que le vide contient des particules virtuelles ? Du fait qu’en présence de matière (par exemple de la propriété « électron » ou « proton ») le vide se polarise en couples particules/antiparticules virtuelles. Ces couples ont une très courte durée de vie, totalement imperceptible à notre échelle.

Cela implique nombre de changements de notre compréhension de notre univers.

Nous ne voyons que des phénomènes encadrés par une durée limitée de perception. Nous effaçons tout ce qui est trop rapide et tout ce qui est trop long. C’est notre fenêtre d’observation. L’univers que nous appelons « matière » n’est que celui qu’on observe dans cette fenêtre… Mais ce n’est pas toute la matière. Et on ne peut comprendre la matière dans son entièreté qu’en imaginant le reste à partir de ce que nous savons des limites de notre monde.

A un extrême, nous disposons à la frontière de notre monde, dans les temps courts, de la physique quantique relativiste qui en est à ses balbutiements et, dans les temps longs, de l’astrophysique qui a encore bien des progrès à faire.
La source des étonnantes expériences quantiques a été trouvé : ce sont les propriétés du vide. Ce milieu ne connaît pas le temps ni l’espace tel que nous le concevions. Les apparitions et disparitions de particules et d’antiparticules en des temps inférieurs au temps de Planck ne permettent pas de définir un temps et une distance communs à ces corpuscules « virtuels ». L’agitation est trop importante pour définir des dimensions de l’espace-temps. Cela nous permet de constater que distance et temps ne sont pas préétablis comme les physiciens l’avaient toujours considéré. Ils émergent de la dynamique collective de la matière, comme la température émerge de la thermodynamique des molécules. C’est un phénomène statistique. Le temps et l’espace du vide sont construits en permanence par les interactions entre particules via les photons. Les photons « réels » définissent l’espace et les photons « virtuels » définissent le temps. Près de la matière, un photon rencontre sans cesse des particules et sont absorbées par elles avant qu’un nouveau photon soit réémis. Ce processus d’absorption/émission définit une distance de libre (sans absorption) parcours moyen. Cette distance donne une échelle locale de l’espace. Lorsque l’on va du vide aux masses matérielles, cette distance diminue sans cesse. C’est un mouvement irréversible qui définit un sens d’écoulement du temps qui n’existe que près des masses matérielles. Dans le vide, il n’y a aucun sens d’écoulement du temps. Plus on s’approche d’une grande masse de matière, plus l’écoulement du temps est rapide (relativité d’Einstein). Les grands espaces quasiment vides qui séparent les galaxies connaissent un écoulement du temps beaucoup plus long. Conformément au fait que les photons lumineux réels qui en mesurent la distance se déplacent à vitesse globalement constante, c, cela signifie que la distance mesurée est plus grande. Plus la matière se concentre plus le vide s’étend. Plus se constituent des étoiles et des galaxies et plus l’univers pris dans son ensemble d’étend. C’est le vide qui grandit et non les distances au sein de la matière. Cela signifie que la gravitation est un effet global opposé à l’expansion et non une interaction liée à une structure du type onde/corpuscule. La gravitation découle donc du processus qui construit en permanence la mesure de l’espace-temps.

Ce qui caractérise la matière, c’est son existence durable. Ce qui caractérise le vide, c’est l’existence brève de ses quantons qui sont dits virtuels mais, rappelons-le, qui sont bel et bien réels. Ils sont seulement éphémères car ils s’accouplent très rapidement même si c’est en un temps aléatoire. Quand ils s’accouplent ils forment un photon. Qu’est-ce qui rend la particule de matière un peu plus « durable » ? C’est une particule virtuelle qui a reçu un boson de Higgs. Quelle hypothèse peut permettre de comprendre ce qui rend une telle particule un peu plus durable, c’est-à-dire qui retarde son accouplement avec un quanton virtuel du vide voisin ? Le fait que la matière constitue une espèce de trou au sein du vide quantique et retarde ainsi les accouplements possibles. D’où pourrait provenir ce « trou », cet isolement de la particule de matière, dite « particule réelle », par rapport aux particules du vide qui sont ses voisines, dites particules virtuelles ? La particule qui aurait reçu un boson de Higgs émettrait une onde de matière, dite onde de Broglie, qui repousserait les quantons virtuels voisins. Ce faisant, il y aurait modification du temps désordonné du vide. Le temps du vide est marqué par la durée moyenne d’accouplement des quantons virtuels. Ce temps serait modifié par la présence de la particule de masse (particule ayant reçu un boson de Higgs) du fait de l’écartement des particules virtuelles voisines. Le temps local tel que nous le connaissons (et non pas tel qu’il existe dans le vide quantique) serait dû à un retardement des interactions avec les quantons virtuels de l’environnement vide. Si une particule se trouve elle-même non dans un environnement vide mais dans un environnement de particules, une moyenne d’interactions avec les quantons virtuels va s’établir, menant à un temps moyen ou temps local. Le déplacement moyen d’une particule durant ce temps va également définir un espace. La matière durable (dite réelle) va ainsi définir un espace et un temps.

Pour subsister, la particule doit brutalement émettre un ou plusieurs photons par un processus qui est assimilable à un choc et par lequel la particule saute d’un état à un autre. Par l’émission de certains bosons (particules d’interaction), ceux du mécanisme de Higgs, la particule cède sa propriété de masse à la particule virtuelle voisine. Le virtuel devient réel et inversement, par une procédure assimilable au même type de choc et qui fonde une nouvelle structure. C’est par ce mécanisme de changement brutal que les caractéristiques de l’ancienne particule sont conservées. La conservation structurelle a eu lieu aux dépens de la matérialité de la particule. Cette dernière a disparu ou, plus exactement, ce n’est plus le même grain qui en est porteur. C’est au prix de cette disparition et de cette apparition que la matière se conserve au plan structurelle (conservation de la masse, de la charge, de l’énergie, etc).

Michel Spiro explique ce mécanisme dans son article pour « Les dossiers de La Recherche » de juillet 2006 : « La masse des particules ne serait pas une propriété intrinsèque des particules elles-mêmes : elle serait liée à la manière dont celles-ci interagissent avec la structure quantique du vide. »

Le vide est un véritable milieu dynamique. Le vide a, implicitement, toutes les propriétés qu’une particule peut avoir : spin, polarisation dans le cas de la lumière, énergie, etc. Il a lui-même différents niveaux de structure. De nombreux effets s’avèrent interprétables par les fluctuations du vide polarisable : – effet Debye de dispersion des rayons X par les solides – effet Casimir – effet proton-proton ou effet Hillman – effet Ahoronov-Böhm – effet Unruh – effet Compton – principe de Pauli – stabilité de l’atome (l’électron ne tombe pas sur le noyau) – décalage des raies Lambshift par réfraction du vide – Radiation de type « corps noir » (thermodynamique du vide)

Laurent Nottale explique dans « La complexité, vertiges et promesses » que les diverses échelles de la matière/vide coexistent et interagissent : « Un objet, comme l’électron, vu classiquement comme un simple point, devient compliqué vers les petites échelles : il émet des photons, les réabsorbe, ces photons deviennent eux-mêmes des paires électrons-positons, etc… »

Effectivement, si on trouve le Higgs, il sera la particule qui fonde la matière possédant une masse, c’est-à-dire la matière durable et non éphémère. Et ce sera aussi la particule la plus éphémère que nous connaissions. C’est déjà un premier paradoxe étonnant et ce n’est pas le seul. L’autre paradoxe est que les bosons sont justement les corpuscules qui ne possèdent pas de masse au repos. Et pourtant ce boson là fonderait justement toutes les particules possédant une matière au repos, encore appelés fermions…

« Aucun système quantique, de la simple particule au champ (le vide) caractérisé par une infinité de degrés liberté, n’est absolument figé lorsqu’il se trouve dans son état de plus grande immobilité réalisable quantiquement. (...) En termes particulaires, ces fluctuations quantiques du champ peuvent se visualiser comme des particules dont le temps de séjour est limité par les relations d’incertitude (d’Heisenberg). (...) Ces paires de particules virtuelles qui surgissent en chaque point, en chaque instant, le temps d’une incertitude, disparaissent si elles ne reçoivent pas les moyens de s’actualiser, l’énergie correspondant au moins à leurs masses. Certaines particules apparaissent au sein du champ parce que d’autres s’annihilent (...) Les fluctuations quantiques du vide, tout comme les fluctuations classiques de la courbure (espace-temps gravitationnel d’Einstein), se ressentent donc elles-mêmes dans une dynamique non-linéaire. Elles peuvent dès lors éventuellement s’auto-amplifier, les fluctuations géométriques et celles du vide s’épaulant les uns les autres, dans une cascade non-linéaire de réponses réciproques. » écrit le physicien Edgard Gunzig dans « Le vide », article « Du vide à l’univers »

C’est le rétablissement de l’unité entre ces univers apparemment différents auquel mènent les études physiques récentes. Elles prouvent que la matière existe en un certain sens dans le vide tout comme le vide existe en un certain sens dans la matière. Le vide est le mode d’existence de base de la matière/lumière. C’est lui qui donne naissance à l’univers matière/lumière tel que nous le connaissons. Le fonctionnement de la matière/lumière ne peut se comprendre que par l’interaction permanente avec le « vide ». Ce sont ces interactions qui permettent de comprendre aussi bien les lois de la physique quantique que celles de la gravitation relativiste ainsi que ce qui les relie, la physique quantique des champs. Qu’est-ce qui différencie le vide de la matière/lumière ? C’est que l’espace-temps y est complètement désordonné par une agitation de type thermique. Cela produit des apparitions/disparitions de particules de masse et de lumière. Aucun corpuscule du vide n’est durable. Aucun ne peut être observé par une expérience fondée sur la matière/lumière. Les corpuscules du vide ont été appelés « virtuels » pour cette raison et parce qu’ils ne peuvent être mis en évidence par un calcul du bilan d’énergie. Ce sont des quanta mais, comme le temps est très agité, l’énergie n’est pas mesurable. Ils correspondent à la moitié d’un quanta de matière/lumière. On trouve des particules, des antiparticules et des photons dits virtuels dans le vide. Et tout laisse à penser qu’ils sont tout ce qu’il y a de plus réels. Ils interagissent cependant avec la matière/lumière. Et tout d’abord, cette agitation du vide est source du caractère flou de la matière/lumière exprimé dans les inégalités d’Heisenberg. Contrairement à la matière/lumière qui fonctionne par unités entières de un quanta h, les fluctuations du vide ont lieu par demi quanta, h/2, en plus ou demi quanta en moins, qui correspondent à des particules et antiparticules virtuelles fusionnant en un photon virtuel puis se redécomposant en un couples particule/antiparticule virtuels (comme électron/positon ou quark/antiquark). Il suffit qu’une particule virtuelle reçoive l’énergie nécessaire pour devenir réelle. Il suffit qu’une particule réelle perde de l’énergie pour redevenir virtuelle. Cette énergie peut être portée par un photon lumineux. Du coup, un photon d’énergie suffisante rend réelle une particule virtuelle. Inversement, l’émission d’un photon rend virtuelle une particule réelle. Ce sont les diagrammes de Feynman qui décrivent ces processus. L’apparence durable de la particule provient des échanges permanents avec les corpuscules virtuels de matière/lumière. En effet, la particule interagissant avec le vide disparaît sans cesse mais elle réapparaît de façon très proche et la nouvelle particule a les mêmes caractéristiques que l’ancienne ce qui donne cette apparente stabilité à la matière/lumière. En fait le photon réel comme la particule réelle ne sont jamais les mêmes. Le mouvement est identique au changement. La particule qui se déplace dans le vide n’est jamais la même particule. La particule ne se contente pas de changer de place. La particule réelle n’est jamais la même. L’effet « réel » est échangé d’une particule virtuelle à une autre. Cet effet « saut » d’une particule virtuelle à une autre. La particule réelle disparaît pour devenir virtuelle et une autre particule virtuelle proche devient réelle. Tel est le processus physique de base décrit par les diagrammes de Feynman.

Le niveau de description ultime susceptible de fonder la singularité du vide est la théorie quantique des champs, qui combine les concepts de la relativité restreinte et ceux de la physique quantique. (…) le vide y est le ciment permanent de l’univers, les particules en jaillissent et y replongent comme des poissons volants, non sans servir de monnaie d’échange entre les particules stables et durables qui donnent sa chair au monde, et qui proviennent d’ailleurs elles-mêmes de la pulvérisation du vide primordial. (…) Les particules virtuelles (du vide quantique) sont si fugitives qu’elles sont comme si elles n’étaient pas. Les particules « réelles » et « virtuelles » sont tout aussi existantes les unes que les autres, mais les dernières disparaissent avant même qu’on puisse les observer. (…) Les termes de « fluctuation du vide » et « particules virtuelles » sont équivalents dans la description, le premier appartenant au langage des champs, le second à celui des particules. (…) Les fluctuations électromagnétiques, et donc les photons virtuels qui en sont la contrepartie dans le langage des particules, furent mises en évidence dès 1940, par la mesure du décalage des raies spectrales de l’hydrogène (Lamb shift) dû à un très léger changement des niveaux d’énergie de l’atome correspondant, et par la découverte d’une minuscule attraction entre deux plaques conductrices (effet Casimir). (…) Le vide se peuple d’une invisible engeance. L’inventaire du moindre centimètre cube d’espace frappe de stupeur : les paires électron-positon (+ et -) côtoient toute une faune de quanta. Les paires électron-positon virtuelles, en dépit de leur faible durée de vie, s’orientent dans le champ électrique des charges électriques présentes et modifient leurs effets. Océan de particules virtuelles, on peut s’étonner de voir encore à travers le vide, tant il est poissonneux En lui s’ébattent tous les photons, bosons intermédiaires et gluons nécessaires à la transmission des forces qui charpentent, coordonnent et organisent le monde. Les particules furtives qui émergent du vide et s’y précipitent aussitôt relient entre elles les particules stables et durables de la matière, dites particules réelles (quarks et leptons). (…) Le vide, à la différence de la matière et du rayonnement, est insensible à la dilatation car sa pression est négative. Ceci provient de la relation : pression = opposé de la densité d’énergie qui lui confère son invariance relativiste. La pression négative engendre une répulsion gravitationnelle. De fait, si la gravitation freine l’expansion de l’univers, l’antigravitation ne peut que l’accélérer.

Le vide est écarteur d’espace et créateur de matière. (…) La création de matière (via la lumière) est le fruit de la transmutation du vide indifférencié en entités physiques distinctes. Il y a là une chaîne physique de la genèse : Vide -> Lumière -> Matière et Antimatière. Le vide est une composante de l’univers, distincte de la matière ordinaire et du rayonnement. Vide, rayonnement et matière diffèrent par leur équation d’état (relation entre densité et pression pour le fluide considéré), laquelle influe sur l’expansion de l’univers et est influencée par elle, par le biais des transitions de phase. (…) Sa rage savonneuse à s’étendre indéfiniment, l’univers la tiendrait du vide. Le vide a enflé sa bulle. (…) Il y a autant de vides que de champs. (…) Chaque restructuration profonde, ou brisure de symétrie, modifie l’état du vide. Inversement, chaque modification de l’état du vide induit une brisure de symétrie. L’évolution de l’univers procède ainsi par brisures de symétrie successives qui se soldent par des transitions de phase, lesquelles bouleversent l’apparence globale du cosmos. »
Michel Cassé dans « Dictionnaire de l’ignorance »
"La Brisure de symétrie et la dialectique du virtuel et de l’actuel
Les propriétés de symétrie ont joué un rôle déterminant dans l’élaboration de la théorie quantique des champs et dans son utilisation en physique des particules. En l’absence d’interactions, les équations de la théorie quantique des champs se résolvent exactement, mais de grandes difficultés surgissent dès que des interactions couplent les divers champs quantiques en présence : une particule crée un champ mais ce champ peut rétroagir sur la particule, modifier sa masse ou sa charge. Or dans le monde réel, il n’y a pas de champs sans interactions ; les seules informations expérimentales que nous puissions avoir à propos de champs quantiques concernent les probabilités des événements d’interactions provoqués lors de collisions entre particules. Dans une réaction provoquée par exemple dans un collisionneur, l’interaction se produit dans une région microscopique de l’espace-temps alors que les particules incidentes peuvent être considérées comme libres (ce qui veut dire sans interactions) avant la collision, et que les particules finales, celles qui sont enregistrées dans les détecteurs, à des distances macroscopiques du point de collision, peuvent aussi être considérées comme libres. Les informations accessibles expérimentalement en physique des particules, qui en déterminent l’horizon apparent, concernent donc l’ensemble des transitions entre les états de champs quantiques libres entrants et ceux de champs quantiques libres sortants. Rappelons que les états d’un champ quantique forment ce que nous avons appelé un espace de Fock qui est la superposition du vide, l’espace de Hilbert à zéro particule, de l’espace de Hilbert à une particule, de l’espace de Hilbert à deux particules, etc. L’horizon profond est celui du programme de l’intégrale de chemins de Feynman, que nous avons évoqué plus haut, qui consiste à déterminer, pour chaque processus relevant d’une certaine interaction fondamentale, l’ensemble des voies indiscernables qu’il peut emprunter, à associer à chacune de ces voies son amplitude, et a resommer de façon cohérente toutes ces amplitudes pour obtenir l’amplitude probabilité du processus. Les propriétés de symétrie jouent un rôle essentiel dans ce programme, car elles contraignent la forme du lagrangien de la théorie dans lequel sont encodées toutes les règles de détermination des voies indiscernables et de leurs amplitudes associées. D’autre part il apparaît que c’est grâce aux propriétés de symétrie que peuvent être levées certaines des difficultés liées au fait que les champs quantiques ne meuvent pas être considérés indépendamment des interactions auxquelles ils participent. Mais la théorie quantique des champs ne peut pas être appliquée à la physique des particules sans que soient définis les espaces de Fock des champs quantiques libres entrants et sortants, et en particulier, leur état à zéro particule, le vide. Pour que la théorie ne soit pas physiquement absurde, ce vide est soumis à la contrainte de représenter l’état, stable, d’énergie minimum des champs quantiques considérés (si le vide était instable, il serait possible d’extraire de l’énergie ex nihilo). Mais il peut arriver qu’il y ait un conflit entre une propriété de symétrie du lagrangien et la stabilité du vide : un vide symétrique serait instable, alors qu’un vide stable ne serait pas symétrique. On dit dans ce cas que l’on a affaire à une situation de brisure spontanée de symétrie : la symétrie ne s’actualise pas directement dans l’horizon apparent, mais elle est sous-jacente, virtuelle ; elle reste dans l’horizon profond. C’est grâce à ce mécanisme qu’a pu être élaborée la théorie unifiée électrofaible. Les interactions électromagnétique et faible sont radicalement différentes : l’une, l’interaction faible est de très courte portée alors que l’autre est de portée infinie ; les intensités sont très différentes. Pourtant, lorsqu’a été compris le rôle dynamique de l’invariance de jauge, il est devenu tentant de rassembler les deux interactions dans une théorie unifiée à invariance de jauge, faisant intervenir un groupe de symétrie de jauge englobant, comme des sous-groupes, les groupe de symétries de l’interaction électromagnétique et de l’interaction faible. Comme théorie à invariance de jauge, la théorie unifiée électrofaible a la propriété importante d’être renormalisable, c’est à dire qu’il est possible d’y lever les difficultés rencontrées dans l’accomplissement du programme de l’intégrale de chemins de Feynman, ce qui la rend prédictive. On s’est donc tourné vers un mécanisme de brisure spontanée de symétrie, impliquant l’existence d’au moins un nouveau champ quantique, le champ de Higgs, grâce auquel la symétrie électrofaible reste sous-jacente car le vide du champ de Higgs n’est pas symétrique. Comme ce mécanisme n’empêche pas la théorie d’être renormalisable, il permet de faire des prédictions qui ont pu être comparées aux données expérimentales : l’accord est très satisfaisant. Une des prédictions de la théorie électrofaible, l’existence du boson de Higgs, le quantum du champ quantique de Higgs, n’a pas encore été confirmée par l’expérience, mais personne ne doute qu’elle le sera, au plus tard lorsqu’entrera en fonctionnement le LHC, vers 2005. Une des caractéristiques intéressantes du mécanisme de Higgs et de la théorie unifiée électrofaible, est que dans l’horizon profond où règne la symétrie électrofaible, les particules sont toutes de masse nulle22, et que, dans l’horizon apparent, c’est la brisure spontanée de la symétrie électrofaible qui rend certaines particules massives.

Dialectique du réel et du virtuel

Il ne faut pas penser le virtuel comme un domaine séparé et diamétralement opposé au réel. Au contraire, au plan matériel comme humain, le virtuel est inséparable du réel, dans les deux sens. Ils sont reliés par une contradiction dialectique.

Il n’y a pas de particule réelle sans son entourage virtuel. Il n’y a pas de polarisation virtuelle sans particule réelle.

La mémoire, elle-même, n’est pas une simple accumulation de faits et de perceptions, mais une reconstruction sans cesse réalisée du passé. Il est donc impossible de mémoriser sans imaginer.

C’est la chosification appauvrissante de la matière qui oppose la matière et le virtuel alors qu’en réalité ils sont des phases contradictoires et inséparables du réel. Y renoncer ne signifie pas renoncer à l’existence d’un monde physique qui est inséparable du monde de nos pensées, c’est-à-dire à la pensée duite matérialiste. Cela signifie par contre donner son caractère dynamique au monde au travers des contradictions du réel qui meurt et réapparait dans des destructions/constructions du réel.

Suite à venir….

Pour continuer cette lecture sur le virtuel, quelques textes :

Qu’est-ce que le virtuel

Qu’est-ce que le virtuel du vide quantique

Comment le virtuel du vide produit la matière que nous connaissons

Qu’est-ce que le virtuel que produit le cingula du cerveau

Le virtuel et la pensée

Le virtuel informatique pour contrôler la matière à l’échelle atomique

L’importance des états virtuels dans l’émergence de l’ordre complexe dans l’univers

Le virtuel informatique

Le virtuel entre science et philosophie

Messages

  • On a souvent lu, ici ou là, des commentaires qui affirment que la physique quantique suppose que la conscience détermine la matière. Pour d’autres auteurs, la conscience est à mettre à part de la matière et ils conçoivent deux mondes et même plusieurs mondes. Le monde spirituel serait différent du monde matériel. Ce n’est pas la thèse que nous défendrons ici et pourtant, nous allons montrer que le virtuel existe bel et bien et qu’il est très réel....

    Le « virtuel » suppose un monde qui dépasse la réalité du moment, qui pourrait théoriquement devenir réel mais ne l’est pas encore et ne le sera peut-être jamais. Les qualités inhérentes du virtuel, c’est le potentiel, l’imaginaire, l’inactuel, le fugitif, l’idéel, le non matérialisé. Les mysticismes, les religions, les idéalismes s’appuient bien entendu sur cette notion pour justifier leurs thèses. Cela ne signifie pas que le virtuel n’ait aucune existence. Cela ne signifie pas non plus que croire au virtuel est opposé à toute forme de matérialisme. Par contre, cela nécessite une nouvelle mutation de notre compréhension de la matérialité et aussi de la pensée humaine. Les scientifiques peuvent parfaitement développer des conceptions qui utilisent le virtuel pour concevoir des expériences de pensée qui ne pourront jamais être réalisées de façon matérielle et réelle mais qui nous permettent de trancher sur les possibles et sur ce qui ne l’est pas dans nos thèses. La simulation utilise des outils virtuels et permet d’imaginer bien des évolutions que nous ne pouvons pas analyser par des moyens « classiques ». Elles n’en sont pas moins scientifiques si elles sont bien conduites et si leurs résultats ne sont pas utilisés à mauvais escient. Mais l’utilisation du virtuel n’a pas attendu les simulations sur ordinateur. Les « expériences de pensée » comme celle bien connue du chat de Schrôdinger » ou celles des expériences EPR d’Einstein n’ont pas besoin d’un quelconque ordinateur et continuent à faire couler de l’encre…. Les mathématiques elles-mêmes ne sont rien d’autre qu’un outil virtuel au service de la compréhension du réel. Quand on parle de charge de la particule, on remplace à un phénomène réel par son image virtuelle et on finit par ne raisonner que sur cette image en oubliant parfois qu’on voulait surtout comprendre ce que faisait la charge réelle et comment elle le faisait… On est arrivé au point où, dans notre esprit, le virtuel a parfois complètement pris la place du réel, mais c’est surtout le cas quand notre science est encore incapable de vraiment répondre à nos questions réelles. En ce sens, la science n’est jamais complètement sortie d’une forme de religion ou de mystique. C’est un peu comme si nous parlions dans un téléphone, juste pour le plaisir de parler, sans parler vraiment à quelqu’un qui existe en chair et en os et qui répond à l’autre bout ! Ce n’est pas l’existence de l’outil du téléphone qui inventerait ainsi l’aspiration à parler à des gens inexistants ou avec lesquels on ne peut pas communiquer. Celle-ci n’a pas attendu l’apparition du téléphone. Certains avaient depuis longtemps fait parler les nuages, les oiseaux, les rêves, les tâches du café et les lignes de la main… Cela ne signifie nullement que ces tentatives de dépasser le réel soient ridicules. Elles sont, au contraire, indispensables à l’homme et, comme on va le voir dans la suite, elles sont également indispensables … à la matière ! Tout être a besoin du non-être pour exister, expliquait déjà le philosophe Hegel, et il montrait que ramener la réalité au seul actuel rend impossible tout mouvement et tout changement. Tout changement nécessite un potentiel qui dépasse l’actuel.

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