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La contradiction fondamentale entre Liberté et Nécessité

samedi 21 mai 2016, par Robert Paris

La contradiction fondamentale entre Liberté et Nécessité

Hegel dans « Introduction à la philosophie de l’histoire » :

« L’histoire universelle est le progrès dans la conscience de la liberté - progrès dont nous avons à reconnaître la nécessité... La liberté elle-même n’existe que pour autant qu’elle est en lutte avec son contraire... On confond souvent la liberté avec l’arbitraire ; mais l’arbitraire n’est qu’une liberté irrationnelle, les choix et les décisions qu’il provoque étant dictés, non par la volonté raisonnable, mais par des impulsions accidentelles, par des mobiles sensibles extérieurs. »

Friedrich Engels, dans l’« Anti-Dühring » :

« Hegel a été le premier à représenter exactement le rapport de la liberté et de la nécessité. Pour lui, la liberté est l’intellection de la nécessité. “ La nécessité n’est aveugle que dans la mesure où elle n’est pas comprise. ” La liberté n’est pas dans une indépendance rêvée à l’égard des lois de la nature, mais dans la connaissance de ces lois et dans la possibilité donnée par là même de les mettre en oeuvre méthodiquement pour des fins déterminées. Cela est vrai aussi bien des lois de la nature extérieure que de celles qui régissent l’existence physique et psychique de l’homme lui-même, - deux classes de lois que nous pouvons séparer tout au plus dans la représentation, mais non dans la réalité. La liberté de la volonté ne signifie donc pas autre chose que la faculté de décider en connaissance de cause. Donc, plus le jugement d’un homme est libre sur une question déterminée, plus grande est la nécessité qui détermine la teneur de ce jugement ; tandis que l’incertitude reposant sur l’ignorance, qui choisit en apparence arbitrairement entre de nombreuses possibilités de décision diverses et contradictoires, ne manifeste précisément par là que sa non-liberté, sa soumission à l’objet qu’elle devrait justement se soumettre. La liberté consiste par conséquent dans l’empire sur nous-même et sur la nature extérieure, fondé sur la connaissance des nécessités naturelles ; ainsi, elle est nécessairement un produit du développement historique. Les premiers hommes qui se séparèrent du règne animal, étaient, en tout point essentiel, aussi peu libres que les animaux eux-mêmes ; mais tout progrès de la civilisation était un pas vers la liberté. Au seuil de l’histoire de l’humanité il y a la découverte de la transformation du mouvement mécanique en chaleur : la production du feu par frottement ; au terme de l’évolution qui nous a conduits jusqu’aujourd’hui, il y a découverte de la transformation de la chaleur en mouvement mécanique : la machine à vapeur. - Et malgré la gigantesque révolution libératrice que la machine à vapeur accomplit dans le monde social (elle n’est pas encore à moitié achevée) il est pourtant indubitable que le feu par frottement la dépasse encore en efficacité libératrice universelle. Car le feu par frottement a donné à l’homme pour la première fois l’empire sur une force de la nature et, en cela, l’a séparé définitivement du règne animal. La machine à vapeur ne réalisera jamais un bond aussi puissant dans l’évolution de l’humanité malgré tout le prix qu’elle prend à nos yeux comme représentante de toutes ces puissantes forces de production qui en découlent, ces forces qui permettent seules un état social où il n’y aura plus de différences de classes, plus de souci des moyens d’existence individuels, et où il pourra être question pour la première fois d’une liberté humaine véritable, d’une existence en harmonie avec les lois connues de la nature. Mais à quel point toute l’histoire de l’humanité est encore jeune et combien il serait ridicule d’attribuer quelque valeur absolue à nos conceptions actuelles, cela ressort du simple fait que toute l’histoire passée peut se caractériser comme l’histoire de la période qui va de la découverte pratique de la transformation du mouvement mécanique en chaleur à celle de la transformation de la chaleur en mouvement mécanique. »

Ilya Prigogine :

« L’univers est-il régi par des lois déterministes ? Quel est le rôle du temps ? - ont été formulées par les présocratiques à l’aube de la pensée occidentale. Elles nous accompagnent depuis plus de deux mille cinq cent ans. Aujourd’hui, les développements de la physique et des mathématiques du chaos et de l’instabilité ouvrent un nouveau chapitre dans cette longue histoire. Nous percevons ces problèmes sous un angle renouvelé. Nous pouvons désormais éviter les contradictions du passé. Épicure fut le premier à dresser les termes du dilemme auquel la physique moderne a conféré le poids de son autorité. Successeur de Démocrite, il imaginait le monde constitué par des atomes en mouvement dans le vide. Il pensait que les atomes tombaient tous avec la même vitesse en suivant des trajets parallèles. Comment pouvaient-ils alors entrer en collision ? Comment la nouveauté, une nouvelle combinaison d’atomes, pouvait-elle apparaitre ? Pour Épicure, le problème de la science, de l’intelligibilité de la nature et celui de la destinée des hommes étaient inséparables. Que pouvait signifier la liberté humaine dans le monde déterministe des atomes ? »

Notre point de vue :

Bien des philosophies opposent diamétralement la liberté et la nécessité comme elles opposent diamétralement le corps et l’esprit, la conscience et l’instinct, l’homme et l’univers, le vivant et la matière inerte, les lois et le hasard, l’individu et la société, refusant d’admettre que ces opposés sont interdépendants, mutuellement indispensables, composés l’un de l’autre, tout en s’opposant sans cesse, en somme sont des contraires dialectiques.

A l’inverse, la dialectique ne dissocie pas les contraires, montre de quelle manière ils sont liés, rétroagissent, se définissent mutuellement, se produisent l’un l’autre.

La physique comme la biologie ou d’autres domaines des sciences ne présentent pas des domaines strictement déterminés et d’autres indéterminés mais un couplage des deux. La dualité quantique onde/corpuscule, avec son indéterminisme couplé à son déterminisme, est un exemple tout comme le chaos déterministe avec ses lois qui ne permettent pas de prédire strictement ou les lois émergentistes dans lesquelles l’ordre est également issu du désordre et non strictement prédictible. Le domaine de la vie et de l’homme n’est plus un domaine à part : il n’obéit pas à des règles opposées à celles de la matière dite inerte qui ne s’avère nullement inerte mais dynamique et productrice de nouveauté structurelle et qualitative. Tous les « domaines » révèlent un couplage dialectique du hasard et de la nécessité, de la liberté et du déterminisme… Il y a un seul monde, dans lequel l’ordre émerge de l’agitation et y retourne.

Par exemple, la formation d’espèces vivantes comme la formation de particules ou d’étoiles n’est possible que grâce au désordre des variations locales. Les structures de la matière ne préexistent pas et son émergentes, issues du désordre des interactions. Même la particule dite élémentaire est un produit de l’agitation virtuelle sous-jacente.

Bien sûr, il ne s’agit de parler d’ « électron libre » ou de matière consciente, ni d’intelligence de la matière inerte. Pourtant, on peut parfaitement parler de « libre agitation » des molécules, des particules réelles ou virtuelles, de « libres variations » des êtres vivants. Ces agitations sont aléatoires et c’est ce caractère de « hasard », ce caractère probabiliste, qui produit des évolutions déterminées, obéissant à des lois.

La « liberté » dont il s’agit n’est pas l’opposé diamétral du déterminisme, de la nécessité, des lois. Cela provient du fait que les lois de la nature ne déterminent pas un avenir unique à partir d’un passé unique.

Les lois mettent en relation les états potentiels passés, qui sont multiples et obéissent aux lois, avac des états potentiels futurs multiples et au sein desquels l’avenir réel sera tiré, au hasard, ou plutôt, de manière elle aussi déterminée mais par l’agitation sous-jacente. voir ici

Il s’agit donc de lois probabilistes dans lesquelles l’ordre est émergent. Le voilà le couplage dialectique de l’ordre et du désordre, du hasard et des lois, de la liberté et de la nécessité !

Choisissez une ou plusieurs phrases entre les affirmations suivantes :

0°) Tout ce qui arrive à la matière est contraint et tout ce qui arrive à l’homme est libre.

1°) Tout ce qui arrive est le produit du hasard.

2°) Tout ce qui arrive est le produit d’une nécessité mais il ne peut pas être connu d’avance car la nécessité découle de l’histoire des interactions.

3°) Tout ce qui arrive était d’avance déterminé.

4°) Tout ce qui arrive a été le produit d’un choix entre plusieurs possibles et il serait impossible de dire d’avance lequel allait se produire réellement. On ne peut que déterminer l’ensemble des possibles.

5°) Tout ce qui arrive se produit librement et on a tous les choix possibles.

6°) Les possibles sont comme les points de chute d’une boule sur une pointe : ils ont une égale probabilité. Ce qui rend impossible la prédiction, c’est que le moindre tout petit changement rend l’une des possibilités plus probable que les autres.

7°) L’homme et la matière sont aux mains du même couple dialectique de la nécessité et de la liberté.

Notre réponse est située à la fin….

Les philosophies de la liberté

Le point de vue d’Epictète
Le point de vue d’Epicure

Le point de vue de Socrate et de ses disciples

Le point de vue des philosophes du Moyen-Age et de la Renaissance

Le point de vue de Spinoza

Le point de vue de Hobbes

Le point de vue de l’Encyclopédie de Diderot

Sur les points de vue de Hobbes et Kant

Le point de vue de Kant

Le point de vue de Robespierre

Le point de vue de Hegel

Encore sur le point de vue de Hegel

Le point de vue de Fichte

Le point de vue de Victor Considérant

Le point de vue de Marx

Le point de vue d’Engels

Encore Engels

Le point de vue de Proudhon

Le point de vue de Plékhanov

Le point de vue de Lénine

Le point de vue d’Hegel relu par Lénine

Le point de vue de Boukharine

Le point de vue de Gramsci

Le point de vue de Trotsky

Le pint de vue d’Henri Poincaré

Le point de vue d’Emile Meyerson

Le point de vue de Bergson

Le point de vue de Emile Boutroux

Le point de vue de Ferdinand Gonseth

Le point de vue d’Arthur Schopenhauer

Le point de vue de Monod

Encore Monod

Le point de vue de Chaline

Le point de vue de Lestienne

Le point de vue de Darwin

Le point de vue de Gould

Causalité et nécessité

Contingence et nécessité dans les lois de la nature

Le réel et le rationnel

Pour les philosophes et pour nous tous, qu’est-ce que la liberté ?

Comment se pose aujourd’hui la question de la nécessité : celle du déterminisme

Contingence et nécessité

Liberté et déterminisme

Hasard et nécessité

Le hasard et la nécessité en biologie

Evénement et discontinuité

Physique quantique et causalité

La physique quantique est-elle dialectique ?

La nature décrite par la science contemporaine est-elle dialectique ?

La physique quantique est-elle indéterministe ?

Déterminisme et physique quantique se sont d’abord opposés

L’existence de la vie : liberté et nécessité

De la liberté et de la nécessité

Le point de vue du chaos déterministe

Le point de vue de l’auto-organisation

Le point de vue émergentiste

Le point de vue historiciste

Le point de vue de la physique probabiliste

Qu’est-ce que le déterminisme pour la science actuelle ?

Ordre et désordre de la matière, deux réalités complètement et dialectiquement imbriquées

Pas un monde des lois et un monde du hasard mais un seul monde et une seule science

Hasard et nécessité

Hasard et chaos

Déterminisme et causalité

La causalité est-elle la « loi de cause à effet » ?

Pour nous, les réponses les plus intéressantes sont : 2°), 4°), 6°) et 7°) …

Mais la discussion reste ouverte…

Messages

  • « Je ne crois point, au sens philosophique du terme, à la liberté de l’homme. Chacun agit non seulement sous une contrainte extérieure, mais aussi d’après une nécessité intérieure. »
    Einstein

  • « Dans une société fondée sur le pouvoir de l’argent, tandis que quelques poignées de riches ne savent être que des parasites, il ne peut y avoir de "liberté", réelle et véritable. »

    Lénine

  • Lettre à Annenkov

    Karl Marx

    28 décembre 1846

    « Les hommes sont-ils libres de choisir telle ou telle forme sociale ? Pas du tout. Posez un certain état de développement des facultés productives des hommes et vous aurez telle forme de commerce et de consommation. Posez certains degrés de développement de la production, du commerce, de la consommation, et vous aurez telle forme de constitution sociale, telle organisation de la famille, des ordres ou des classes, en un mot telle société civile. Posez telle société civile et vous aurez tel état politique, qui n’est que l’expression officielle de la société civile. »

  • « La nécessité ne disparaît pas en devenant liberté. »

    Lénine, dans ses « Cahiers philosophiques »

  • « Une prison digne d’une dictature » : un rapport épingle l’enfer des Baumettes à Marseille
    La promiscuité et les conditions sanitaires déplorables y entraînent violence, suicides, maladies, dégradation de la santé mentale des détenus et grèves de la faim.

  • Engels dit : « Hegel a été le premier à représenter exactement le rapport de la liberté et de la nécessité. Pour lui, la liberté est l’intellection de la nécessité ». « La nécessité n’est aveugle que dans la mesure où elle n’est pas comprise. » La liberté n’est pas dans une indépendance rêvée à l’égard des lois de la nature, mais dans la connaissance de ces lois et dans la possibilité donnée par là même de les mettre en œuvre méthodiquement pour des fins déterminées. Cela est vrai aussi bien des lois de la nature extérieure que de celles qui régissent l’existence physique et psychique de l’homme lui-même, deux classes de lois que nous pouvons séparer tout au plus dans la représentation, mais non dans la réalité. La liberté de la volonté ne signifie donc pas autre chose que la faculté de décider en connaissance de cause. Donc, plus le jugement d’un homme est libre sur une question déterminée, plus grande est la nécessité qui détermine la teneur de ce jugement... La liberté consiste par conséquent dans l’empire sur nous-mêmes et la nature extérieure, fondé sur la connaissance des nécessités naturelles (Naturnotwendigkeiten) »... (pp. 112 et 164 de la 5° édit. allem.) .

  • La première erreur sur la question consiste à opposer diamétralement liberté et nécessité alors que les deux s’opposent autant qu’elles se composent. On ne peut être libre qu’en maîtrisant consciemment et en acceptant la nécessité.

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