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« La quantité se transforme en qualité », cette thèse dialectique de Hegel, Marx et Engels est-elle vérifiée par les sciences actuelles ?

mardi 5 janvier 2016, par Robert Paris

« La quantité se transforme en qualité », cette thèse dialectique de Hegel, Marx et Engels est-elle vérifiée par les sciences actuelles ?

C’est une question posée par un de nos amis lecteurs et à laquelle nous répondons d’autant plus volontiers que les exemples abondent aujourd’hui, bien plus qu’à l’époque des fondateurs de la dialectique hégélienne ou marxiste.

Que peut-on répondre à la lumière de nos connaissances scientifiques actuelles ?

Qualité et quantité sont des contraires. La qualité change les propriétés structurelles, pas la quantité. La quantité est fondée sur l’identité des quanta. Du coup, les quanta sont identiques et additionnables : ils sont une « quantité ». La quantité nécessite des objets considérés comme égaux pour qu’on puisse fonder sur eux des calculs. La qualité est fondée sur la modification des états correspondants à des niveaux d’organisation différents. Des quantités différentes s’additionnent au contraire des qualités. La qualité admet un seuil de son état d’existence, seuil qui est une quantité. La quantité admet une limite qui est le passage à une qualité différente. Bien que contraires, qualité et quantité se changent aussi l’un dans l’autre et se recomposent sans cesse.

Toute apparition de propriété émergente (nouveauté dont les éléments ne sont pas contenus au sein du matériel préexistant) provient de la rupture de la symétrie dialectique entre une propriété et son contraire. L’émergence produit des niveaux d’organisation et définit la qualité. Un seul des deux contraires contenus dans cette unité est alors nié. C’est ce que l’on appelle la rupture de symétrie qui a produit la matière, la lumière, la vie, l’homme et la société. La lutte des classes qui détruit la vieille société et en produit une nouvelle est aussi rupture de la symétrie qui existait précédemment entre les classes.

Pour les adversaires de la dialectique, la loi de « transformation de la quantité en qualité » doit être considérée comme aussi miraculeuse que la transformation de l’eau en vin dans la bible ou aussi magique et mensongère que tous les miracles.

Certains scientifiques n’envisagent que des transformations quantitatives, descriptibles uniquement par des équations. Ils vont jusqu’à dire que la physique, ce sont des relations entre des nombres. Ils envisagent bien des transformations au sein du fonctionnement de la matière, inerte comme vivante, mais ce sont des transformations avec conservation de certaines quantités et ce qui leur semble essentiel ce n’est pas la transformation : c’est la conservation !!! Car c’est la conservation qui permet les calculs ! Ils n’y voient donc nullement « une quantité se transformant en qualité »…

Bien sûr, comme toute formule abstraite recouvrant des domaines divers, celle loi dialectique peut sembler curieuse, idéaliste, coupée d’une réalité et prétendant s’imposer au monde comme la loi de Moïse. Mais cela n’a rien à voir avec une loi métaphysique ou idéaliste qui s’imposerait à la réalité. C’est un constat issu de la réalité.

Bizarrement, les mêmes auteurs qui rejettent avec mépris cette loi de transformation ne sont pas du tout gênés de retrouver, en sciences physiques ou chimiques, ou encore biologiques, des lois qui sont tout à fait du même type : abstraites, s’imposant à des phénomènes divers n’ayant pas de point commun réel comme la conservation de l’énergie, l’augmentation de l’entropie, la conservation du moment cinétique, la conservation de la charge électrique, la tendance thermodynamique à la perte de qualité de l’énergie et on en passe.

Toute la science est pleine de concepts abstraits qui sont employés indépendamment du contexte concret comme énergie, mouvement, puissance, moment, pression, charge, inertie et autres… Ils décrivent des phénomènes divers qui n’ont parfois aucun rapport entre eux mais ils n’en sont pas moins valides pour autant. Les sciences cherchent à accéder à une compréhension globale du monde, même si aujourd’hui les auteurs auraient tendance à affirmer le contraire car tel est le dogme dominant.

Tout d’abord qu’entend on par « qualité » et par « quantité » et quelle relation peut-on établir entre ces concepts généraux au travers de cette loi dialectique ?

Prenons quelques exemples.

On peut augmenter graduellement la taille d’un objet mais on atteint généralement une limite au-delà de laquelle on ne peut plus se contenter d’augmenter la taille : on passe à autre chose, à un monde différent, obéissant à d’autres lois.

Débutons par un exemple tiré de l’astrophysique : les planètes. Elles ont été formées par l’accrétion de matières, de poussières et de gaz. En se formant, elles réchauffent par les chocs de toutes les pierres qu’elles agglomèrent. Elles ont des tailles très diverses mais aucune planète n’excède une taille maximale. En effet, au-delà, l’accrétion de matière entraîne un réchauffement qui atteint les douze millions de degrés et un phénomène nouveau se produit à ce seuil : des explosions thermonucléaires par lesquelles l’hydrogène se transforme en hélium et en d’autres atomes encore plus lourds en émettant de l’énergie, ce mécanisme s’entretenant de lui-même de manière exponentielle, une fois la réaction initiée. La planète est devenue un soleil. La planète connaissait une sorte d’équilibre dynamique fondé sur son mouvement autour d’un soleil, équilibre entre gravitation et force centripète de son mouvement de révolution autour du soleil. Le soleil connaît un tout autre équilibre fondé sur l’interaction entre gravitation et pression de l’expansion de l’énergie rayonnée. Il y a un saut qualitatif de la planète au soleil.

Les deux connaissent des transformations nucléaires fondées sur la radioactivité mais en sens inverse. Le cœur des planètes a une énergie fondée sur la décomposition des noyaux atomiques lourds en noyaux atomiques plus légers alors que le cœur des étoiles-soleils a une énergie fondée sur la formation de noyaux lourds à partir de noyaux légers.

Il y a donc un saut qualitatif de la planète à l’étoile et c’est un passage brutal, radical, qui consiste à passer d’un état à son contraire (mouvement inverse des noyaux atomiques).

Si on agglomère des matières, on passe d’abord d’une petite à une grosse planète puis, à un seuil, on ne peut plus avoir de planète plus grosse. Ce n’est plus une planète. C’est son contraire. Au lieu d’être un consommateur d’énergie, c’est un producteur. La dynamique terrestre (et en particulier le climat, la vie et l’homme) est fondée d’abord sur le rayonnement reçu de l’extérieur (du soleil) alors que la dynamique solaire est fondée sur le rayonnement produit par l’intérieur du soleil. On parle ici de soleil pour indiquer l’ensemble des étoiles.

Il y a une différence de quantité entre une petite et une grande planète mais une différence de qualité entre une planète et une étoile.

De même, il y a une différence de quantité entre une petite et une grande étoile mais il y a un seuil où on passe d’une grande étoile à un trou noir parce que la masse de matière agglomérée est trop importante pour laisser sortir le rayonnement, contrairement à ce qui se passe dans les étoiles.

L’étoile géante, arrivée à une certaine taille, s’est transformée en son contraire : un objet céleste qui ne rayonne plus. Cela s’est fait en augmentant quantitativement la taille et la masse mais, à un seuil, l’étoile se transforme qualitativement en trou noir.

Cela n’a rien de particulier à l’astrophysique.

Il y a une différence de quantité entre un, deux, trois particules comme l’électron ou le proton, le neutron, etc.

Par contre, à un seuil dit passage du niveau quantique au niveau classique ou décohérence, on passe d’un petit nombre de particules à un grand nombre de particules, on sort du niveau quantique et on change de lois.

Il y a une différence qualitative entre un petit nombre de molécules et un grand nombre. Les lois ne sont pas les mêmes. Les paramètres ne sont pas seulement grandis mais entièrement changés. Des paramètres nouveaux émergent comme volume, pression et température, paramètres qui n’ont pas une valeur plus petite à plus petite échelle mais qui n’y ont aucune valeur et aucune signification. On est passés du microscopique au macroscopique.

Prenons un autre élément que la taille : le temps. Si on diminue les durées, si on examine des particules fugitives, celles du vide quantique, on ne diminue pas simplement les autres facteurs, mais on change radicalement de physique puisque la physique du vide quantique ne connaît pas la flèche du temps. On avait réduit l’échelle du temps, mais on n’a pas, en conséquence, réduit l’échelle des phénomènes liés au temps, on les a changés radicalement : dans le vide quantique, on peut remonter le temps aussi bien que le parcourir du passé vers le futur comme nous en avons l’habitude à notre échelle.

Le changement graduel d’échelle n’entraîne pas toujours un changement graduel des effets. Il n’y a pas toujours proportionnalité des effets par rapport aux causes. On dit que le changement d’échelles est non-linéaire.

La physique n’est pas la seule à observer ce type de phénomènes. La chimie, la biologie, les espèces, la vie sociale y obéissent également. Les sauts qualitatifs y sont légion, sans lesquels il n’y aurait pas eu de passage des ARN aux ADN, des procaryotes individualistes aux colonies de procaryotes, puis aux eurcaryotes, à leur diversification. Le changement d’espèce n’est rien d’autre qu’un passage de la quantité à la qualité !

Le vivant est un domaine qui exhibe sans cesse des changements de quantité en qualité et pas seulement dans le domaine de l’évolution des espèces. Le développement de l’embryon ou embryogenèse est le siège de centaines de révolutions qui sont des passages de la quantité à la qualité, depuis l’œuf fécondé. Ce qui change, ce n’est pas seulement le nombre de cellules mais il y a les stades différents : segmentation, nidation, blastutation, différentes étapes de la gastrulation, puis formation du corps complet. Chacune est fondée sur un ou une série de sauts qualitatifs. Tous les organes du corps vivant en sont le produit.

Les exemples en chimie abondent également. Un exemple simple : le médicament est un produit chimique qui agit sur le vivant. Il peut être un médicament à petites doses et devenir un poison à haute dose. Il s’est changé brusquement, à un seuil, en son contraire ! Au lieu d’aider au métabolisme de l’organisme, il le détruit…

Il y a une différence qualitative entre les espèces qui vivent comme des individus, comme des couples, comme des clans ou comme des sociétés collectives. Le nombre d’individus du groupe croît quantitativement mais les sortes de vies sociales changent qualitativement.

Il y a une différence de quantité entre un homme, deux hommes, une dizaine d’hommes. Mais, en ce qui concerne une société organisée, structurée, on ne peut pas dire qu’il s’agisse juste d’une différence de quantité mais de qualité.

Entre un habitat de campagne clairsemé et une ville, il y a un saut. Les lois ne sont plus les mêmes. Les relations ne sont plus les mêmes. Les perspectives sociales ne sont plus les mêmes. C’est un saut qualitatif qu’atteint la société humaine lorsqu’elle se groupe jusqu’à un certain seuil d’urbanisation. Il ne va de même avec l’accumulation des richesses : à un certain stade d’enrichissement, la formation de structures durables en découle avec formations de familles riches puis de classes sociales, puis de révolutions sociales et enfin de l’Etat, chargé de stabiliser la domination de classe.

La révolution, comme la contre-révolution, sont des changements de la quantité en qualité. Ce sont des changements brutaux. Ils sont assimilables aux transitions de phase en Physique.

Les plus connus des changements d’état avec transformation de la quantité en qualité proviennent de la Thermodynamique. On ne peut pas chauffer un liquide au-delà d’une certaine température à partir de laquelle la température ne monte plus car l’énergie est alors employée au changement d’état de la matière. Tant que l’on n’avait pas atteint ce seuil, on pouvait croire qu’il ne s’agissait que d’une transformation quantitative et linéaire : plus on chauffait, plus on fournissait de l’énergie et plus la température augmentait. Et, d’un seul coup, on ne peut plus augmenter la température et c’est la structure de la matière qui change, qui saute d’un état à un autre. Cet exemple (gaz, liquide, solide) était le seul connu à l’époque de Hegel mais les exemples de transitions de phase sont maintenant légion dans tous les domaines de la physique (fusion, sublimation, ionisation, solidification, liquéfaction, vaporisation, transition ferromagnétique, hyperfluidité, supraconductivité, états du proton ou du neutrino, histoire du cosmos, passage du microscopique au macroscopique, effet tunnel, transition de phase de la matière nucléaire et de multiples autres ruptures spontanées de symétrie). Les changements d’état n’étonnent plus en Physique et ils sont la règle. Les transitions de phase sont devenues une interprétation classique des transformations révolutionnaires de la matière. Elle n’est plus dès lors considérée seulement comme quantitative mais comme une structure qualitative, avec des sauts d’une structure à une autre, comme par exemple les sauts entre les diverses structures de la glace ou de la neige ou celles des cristaux.

L’histoire géophysique et climatologique de la Terre est pleine également de tels changements brutaux et qualifiés de révolutionnaires par les spécialistes. Une fois encore, on est bien obligés de constater la tranformation de la quantité en qualité ! Le mécanisme d’oxygénation de la planète se développe lentement, de manière sourde, jusqu’au point où un niveau étant franchi, l’oxygénation s’entretient brutalement d’elle-même, auto-entretenue par le vivant se fondant dorénavant sur la photosynthèse de la chlorophylle. Les révolutions de la Terre s’appellent formation de l’atmosphère, apparition de l’ozone, apparition de l’eau, formation des continents, tectonique des plaques, supercontinent, terre boule de neige, apparition de la vie anaérobie, apparition de la vie chlorophyllienne, grands trapps, glaciations, extinctions, explosions de la diversification du vivant, etc.

Tant que la nouvelle structure (comme l’atmosphère oxygénée et la vie correspondant à celle-ci) n’est pas apparue, on ne voit pas comment elle pourrait apparaître tant l’ordre précédent semble stable et semble même le seul possible dans l’environnement existant. Dès que la nouvelle structure apparaît, c’est elle, au contraire, qui semble naturelle et inévitable. Il en va aussi bien de l’apparition de l’Etat, de son changement de nature, que de l’apparition d’autres formations sociales comme les villes, les classes sociales, les formes nouvelles de la propriété privée ou des relations entre les classes, les formes de l’exploitation de l’homme aussi bien que des formes nouvelles d’organisation de la matière, inerte ou vivante.

Le passage de la quantité à la qualité est brutal et non graduel, discontinu et non progressif, n’est pas descriptible par une simple somme de petits changements. Il est l’entrée dans un monde nouveau, avec de nouvelles structures, de nouveaux paramètres, de nouvelles lois reliant ces paramètres et pas par un simple changement de tels paramètres.

Les transitions de phase, les ruptures de symétrie, les lois émergentes, les interactions d’échelle, les apparitions de structures dissipatives loin de l’équilibre, l’ordre issu du désordre et les formes diverses de l’auto-organisation (des rythmes, des structures, des interactions, des formes d’organisation) sont autant de termes et de domaines utilisés par les sciences pour décrire des « passages de la quantité à la qualité » !

La physiologie humaine de même que les rythmes biologiques en donnent de multiples exemples. Le cerveau ou le cœur ne sont pas une simple addition d’un grand nombre de cellules interagissant. Ils sont une structuration de ces interactions et donc un saut qualitatif par rapport à une somme d’un grand nombre de cellules.

La croissance de l’être vivant est un autre exemple de sauts qualititatifs avec des seuils de ces discontinuités. On en a donné un exemple avec la croissance de l’embryon. L’être formé connaît lui aussi des seuils de transformation. A des moments donnés s’enclenchent des processus de croissance, de lancement des hormones, de développement des organes, de mises en route de processus nouveaux. L’adolescence est un seuil de ce type. La vieillesse puis la mort sont des seuils. Là encore, la quantité se change en qualité !!!

Le réductionnisme, qui ramène tout à des éléments de base dont le nombre est censé tout décrire, nombre d’atomes, nombre de cellules, nombre d’êtres vivants, nombre d’hommes, nombre de planètes, nombre d’étoiles ou nombre de galaxies, ne peut nullement interpréter tout ce qui concerne les sauts d’échelle, les interactions entre des univers différents, donc tous les passages de la quantité à la qualité, car ces transitions sont des processus non-linéaires et la non-linéarité ne peut se décrire par une progression numérique graduelle. Le tout n’est plus la somme des parties. Une structure nouvelle n’est pas une somme d’éléments qui préexistaient.

Ce qui caractérise le passage de la quantité à la qualité, c’est qu’on ne se contente pas d’additionner, de grouper ni de mettre en relations d’anciens éléments qui précédaient mais qu’on produit des structures nouvelles, structures matérielles, structures des interactions, structures des rythmes, structures des échanges, structures d’organisation.

Cela se produit à chaque fois que l’on ne peut pas augmenter une taille sans atteindre une limite. Cette limite ne signifie nullement qu’au-delà il ne se produit plus rien mais que ce qui se produit ne peut pas être décrit dans les termes anciens.

On ne peut pas, sans atteindre une limite, augmenter la taille d’une planète, d’une étoile, d’une galaxie, mais aussi d’un être vivant, d’une particule, d’un atome, d’une molécule. Lorsqu’on atteint ces seuils, il y a une révolution, un saut qualitatif et on passe à un autre univers.

De manière quasi ponctuelle par rapport au rythme graduel précédent, on assiste alors à une révolution radicale et brutale.

Par quel miracle, disent les sceptiques, se produit ce changement « qualitatif » ? Ces derniers estiment que ce saut serait une rupture de causalité, une intervention mystique dans le phénomène réel. Par quelle magie peut-on faire naître ce qui n’existait auparavant même pas à l’état de traces, de racines, d’éléments de base, de briques de construction, de conceptions, de bribes ni de fragments ?!!!

Cela ne peut qu’étonner ceux qui conçoivent le monde que comme un agencement d’objets fixes, ne contenant en eux aucune contradiction interne, aucune base pour des changements radicaux, ceux pour qui l’ADN est fait pour produire un être vivant donné et ne peut en produire un autre, radicalement différent, pour qui la matière est faite pour fonctionner d’une manière particulière, pour qui la Terre a un fonctionnement donné et ne peut en avoir un autre, radicalement différent.

Un être humain fait partie de groupes sociaux mais ces derniers ne sont pas la simple somme des individus qui les composent. Une molécule fait partie de choses matérielles mais ces choses ne sont pas des sommes de molécules. On ne décrit pas un objet matériel par des quantités comme masse, charge, et autres paramètres qui seraient des sommes de plusieurs masses, de plusieurs charges, etc. Une structure durable qui associe divers éléments est autre chose qu’une somme de ces éléments. C’est une structuration des interactions entre eux. C’est une mise en commun d’énergies entre ces éléments pour minimiser l’énergie et donner une stabilité à la structure.

Un nuage de molécules d’eau est tout à fait autre chose qu’une somme de molécules d’eau car leurs interactions produisent une grande énergie et cette énergie stabilise le nuage. Des molécules individuelles d’eau, dans n’importe quel état, tomberaient immédiatement au sol. Un nuage de tonnes d’eau chuterait instantanément sans l’énergie des interactions entre ces molécules et les courants d’air ascendants qui en découlent.

Si le noyau de l’atome était une simple somme de nucléons, il exploserait en une fraction de seconde.

Si la société humaine était fait de sommes d’individus, on n’aurait pas le temps d’en parler pour qu’elle disparaisse sous nos yeux…

L’amas de galaxies n’est nullement une somme de galaxies. L’embryon n’est nullement une somme de cellules vivantes. La matière n’est nullement une somme de molécules. L’espèce vivante n’est nullement une somme d’individus de la même espèce.

Toutes les structures qui existent sous nos yeux sont nées de changements brutaux qui sont des passages de la quantité à la qualité : de la matière à l’Etat, de la lumière à la vie. L’apparition de la matière durable est un changement qualitatif au sein du vide quantique et il ne s’est pas produit une fois pour toutes aux origines de l’univers actuel, il se produit sans cesse en permanence. La libération de la lumière de son attachement avec la matière est un changement radical et brutal au sein de l’univers précédent mais il se produit tous les instants autour de nous. La flèche du temps est apparue au sein d’un monde qui ne le possédait pas mais il réapparaît sans cesse au sein d’un vide quantique qui fonctionne sans elle.

Le tout n’est pas la somme des parties

La matière n’est pas une somme de particules élémentaires

Les sciences d’aujourd’hui et la dialectique de Hegel

Gradualité et bonds

Comme la dialectique de Hegel l’affirmait, la science démontre que la nature fait des bonds

Qu’est-ce qu’une transition de phase ?

A ceux qui croient encore que « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme »

Les révolutions de la matière

Les révolutions de la Terre

Les révolutions du vivant

Qu’est-ce que l’auto-organisation
Qu’est-ce que l’émergence ?

Pourquoi la notion d’émergence d’organisation nous semble indispensable pour comprendre celle de structure en sciences ?

Pourquoi la matière s’organise spontanément et de manière stable ?

Comment Hegel, Marx, Engels et les marxistes posaient la question ?

« « La qualité et la quantité se distinguent encore et ne sont pas absolument identiques. Par suite, ces deux déterminations sont jusqu’à un certain point indépendantes l’une de l’autre, en sorte que, d’un côté, la quantité peut changer sans que se modifie la qualité de l’objet, mais que, d’un autre côté, l’augmentation ou la diminution de quantité à laquelle l’objet est initialement indifférent a une limite, et, cette limite franchie, la qualité change. C’est ainsi par exemple, que la différence de température n’exerce pas d’abord d’influence sur l’état liquide de l’eau ; mais, si l’on continue d’augmenter ou de diminuer cette température, il vient un moment où la cohésion se modifie qualitativement, l’eau se transformant en vapeur ou en glace. Il semble, au début, que le changement de la quantité n’exerce aucune action sur la nature essentielle de l’objet ; mais il se cache là, derrière quelque chose d’autre, et cette variation, en apparence innocente, de la quantité, invariable pour l’objet même en fait varier la qualité. »

G.W.F Hegel dans « Encyclopédie » (première partie, paragraphe 108, article « Mesure »)

« S´ils ne conçoivent pas pus de tendance au repos qu´au mouvement dans un corps quelconque, c´est qu´apparemment ils regardent la matière comme homogène ; c´est qu´ils font abstraction de toutes les qualités qui lui sont essentielles ; c´est qu´ils la considèrent comme inaltérable dans l´instant presque indivisible de leur spéculation, c´est qu´ils raisonnent au repos relatif d´un agrégat à un autre agrégat ; c´est qu´ils oublient que tandis qu´ils raisonnent de l´indifférence du corps au mouvement ou au repos, le bloc de marbre tend à sa dissolution ; c´est qu´ils anéantissent par la pensée et le mouvement général qui anime tous les corps, et leur action particulière des uns sur les autres qui les détruit tous ; c´est que cette indifférence, quoique fausse en elle-même, mais momentanée, ne rendra pas les lois du mouvement erronées. Le corps, selon quelque philosophe, est par lui-même, sans action et sans force : c´est une terrible fausseté, bien contraire à toute bonne physique, à toute bonne chimie : par lui-même, par la nature de ses qualités essentielles, soit qu´on le considère en molécules, soit qu´on le considère en masse, il est plein d´action et de force. »

Denis Diderot dans « Principes philosophiques sur la matière et le mouvement »

« C’est donc de l’histoire de la nature et de celle de la société humaine que sont abstraites les lois de la dialectique. Elles ne sont précisément rien d’autre que les lois les plus générales de ces deux phases du développement historique ainsi que de la pensée elle-même. Elles se réduisent pour l’essentiel aux trois lois suivantes :
– la loi du passage de la quantité à la qualité et inversement ;
– la loi de l’interpénétration des contraires ;
– la loi de la négation de la négation.
Toutes trois sont développées à sa manière idéaliste par Hegel comme de pures lois de la pensée : la première dans la première partie de la Logique, dans la doctrine de l’Être ; la seconde emplit toute la deuxième partie, de beaucoup la plus importante, de sa Logique, la doctrine de l’Essence ; la troisième enfin figure comme loi fondamentale pour l’édification du système tout entier. La faute consiste en ce que ces lois sont imposées d’en haut à la nature et à l’histoire comme des lois de la pensée au lieu d’en être déduites. Il en résulte toute cette construction forcée, à faire souvent dresser les cheveux sur la tête : qu’il le veuille ou non, le monde doit se conformer à un système logique, qui n’est lui-même que le produit d’un certain stade de développement de la pensée humaine. Si nous inversons la chose, tout prend un aspect très simple, et les lois dialectiques, qui dans la philosophie idéaliste paraissent extrêmement mystérieuses, deviennent aussitôt simples et claires comme le jour.
D’ailleurs quiconque connaît tant soit peu son Hegel sait bien que celui-ci, dans des centaines de passages, s’entend à tirer de la nature et de l’histoire les exemples les plus péremptoires à l’appui des lois dialectiques.
Nous n’avons pas ici à rédiger un manuel de dialectique, mais seulement à montrer que les lois dialectiques sont de véritables lois de développement de la nature, c’est-à-dire valables aussi pour la science théorique de la nature. Aussi ne pouvons-nous entrer dans l’examen détaillé de la connexion interne de ces lois entre elles.
1. Loi du passage de la quantité à la qualité et inversement. Nous pouvons, pour notre dessein, exprimer cette loi en disant que dans la nature, d’une façon nettement déterminée pour chaque cas singulier, les changements qualitatifs ne peuvent avoir lieu que par addition ou retrait quantitatifs de matière ou de mouvement (comme on dit, d’énergie).
Toutes les différences qualitatives dans la nature reposent soit sur une composition chimique différente, soit sur des quantités ou des formes différentes de mouvement (d’énergie), soit, ce qui est presque toujours le cas, sur les deux à la fois. Il est donc impossible de changer la qualité d’aucun corps sans addition ou retrait de matière ou de mouvement, c’est-à-dire sans modification quantitative du corps en question. Sous cette forme, la mystérieuse proposition de Hegel n’apparaît donc pas seulement tout à fait rationnelle, mais même assez évidente.
Il est sans doute à peine nécessaire d’indiquer que même les différents états allotropiques et d’agrégation des corps reposent, parce qu’ils dépendent d’un groupement moléculaire différent, sur une quantité plus ou moins grande du mouvement communiqué à ces corps.
Mais que dire du changement de forme du mouvement ou, comme on dit, de l’énergie ? Lorsque nous transformons de la chaleur en mouvement mécanique ou inversement, la qualité est pourtant modifiée et la quantité reste la même ? Tout à fait exact. Mais il en est du changement de forme du mouvement comme du vice de Heine : chacun pour soi peut être vertueux, mais pour le vice il faut toujours être deux. Le changement de forme du mouvement est toujours un processus qui s’effectue entre deux corps au moins, dont l’un perd une quantité déterminée de mouvement de la première qualité (par exemple de chaleur), tandis que l’autre reçoit une quantité correspondante de mouvement de l’autre qualité (mouvement mécanique, électricité, décomposition chimique). Quantité et qualité se correspondent donc ici de part et d’autre et réciproquement. Jusqu’ici on n’a pas réussi à l’intérieur d’un corps singulier isolé à convertir du mouvement d’une forme dans l’autre.
Il n’est question ici pour l’instant que de corps inanimés ; la même loi est valable pour les corps vivants, mais elle procède en eux dans des conditions très complexes, et aujourd’hui encore la mesure quantitative nous est souvent impossible.
Si nous nous représentons un corps inanimé quelconque divisé en particules de plus en plus petites, il ne se produit tout d’abord aucun changement qualitatif. Mais il y a une limite : si, comme dans l’évaporation, nous parvenons à libérer les molécules isolées, nous pouvons certes, dans la plupart des cas, continuer encore à diviser celles-ci, mais seulement au prix d’un changement total de la qualité. La molécule se décompose en ses atomes, qui ont isolément des propriétés tout à fait différentes de celles de la molécule. Dans le cas des molécules qui se composent d’éléments chimiques différents, la molécule composée est remplacée par des molécules ou des atomes de ces corps simples eux-mêmes ; dans le cas des molécules des éléments apparaissent les atomes libres, qui ont des effets qualitatifs tout à fait différents : les atomes libres de l’oxygène à l’état naissant produisent en se jouant ce que les atomes de l’oxygène atmosphérique liés dans la molécule ne réalisent jamais.
Mais la molécule elle-même est déjà qualitativement différente de la masse du corps physique dont elle fait partie. Elle peut accomplir des mouvements indépendamment de cette masse et tandis qu’en apparence celle-ci reste en repos, par exemple des vibrations caloriques ; elle peut, grâce à un changement de position ou de liaison avec les molécules voisines, faire passer le corps à un état d’allotropie ou d’agrégation différent, etc.
Nous voyons donc que l’opération purement quantitative de la division a une limite, où elle se convertit en une différence qualitative : la masse ne se compose que de molécules, mais elle est quelque chose d’essentiellement différent de la molécule, comme celle-ci l’est à son tour de l’atome. C’est sur cette différence que repose la séparation de la mécanique, science des masses célestes et terrestres, de la physique, mécanique des molécules, et de la chimie, physique des atomes.
Dans la mécanique, on ne rencontre pas de qualités ; tout au plus des états comme l’équilibre, le mouvement, l’énergie potentielle, qui tous reposent sur la transmission mesurable du mouvement et qui peuvent eux-mêmes s’exprimer quantitativement. Donc, dans la mesure où un changement qualitatif se produit, il est déterminé par un changement quantitatif correspondant.
En physique les corps sont traités comme chimiquement invariables ou indifférents ; nous avons affaire aux modifications de leurs états moléculaires et au changement de forme du mouvement, changement qui, dans tous les cas, au moins d’un des deux côtés, met en jeu les molécules. Ici, toute modification est une conversion de la quantité en qualité, une conséquence d’un changement quantitatif de la quantité du mouvement, quelle qu’en soit la forme, qui est inhérent au corps ou qui lui est communiqué.
Ainsi, par exemple, le degré de température de l’eau est tout d’abord indifférent relativement à sa liquidité ; mais, si l’on augmente ou diminue la température de l’eau liquide, il survient un point où cet état de cohésion se modifie et où l’eau se change d’une part en vapeur et d’autre part en glace. (Hegel, Encycl., Éd. complète, tome VI, p. 217.)
Ainsi, il faut une intensité minimum déterminée du courant pour porter à l’incandescence le fil de platine (de la lampe électrique) ; ainsi, chaque métal a sa température d’incandescence et de fusion, chaque liquide son point de congélation et son point d’ébullition, fixes pour une pression connue — dans la mesure où nos moyens nous permettent de réaliser la température en question ; ainsi, enfin, chaque gaz a lui aussi son point critique où la pression et le refroidissement le rendent liquide. En un mot, les soi-disant constantes de la physique ne sont en majeure partie pas autre chose que la désignation de points nodaux, auxquels un apport ou un retrait quantitatifs de mouvement entraînent dans l’état du corps en question une modification qualitative, donc où la quantité se convertit en qualité.
Cependant le domaine dans lequel la loi de la nature découverte par Hegel connaît ses triomphes les plus prodigieux est celui de la chimie. On peut définir la chimie comme la science des changements qualitatifs des corps qui se produisent par suite d’une composition quantitative modifiée. Cela, Hegel lui-même le savait déjà (Logique, éd.. compl. III, p. 433). Soit l’oxygène : si, au lieu des deux atomes habituels, trois atomes s’unissent pour former une molécule, nous avons l’ozone, corps qui par son odeur et ses effet se distingue d’une façon bien déterminée de l’oxygène ordinaire. Et que dire des proportions différentes dans lesquelles l’oxygène se combine à l’azote ou au soufre et dont chacune donne un corps qualitativement différent de tous les autres ! Quelle différence entre le gaz hilarant (protoxyde d’azote N2O) et l’anhydride azotique (pentoxyde d’azote N2O5) ! Le premier est un gaz, le second, à la température habituelle, un corps solide et cristallisé. Et pourtant toute la différence dans la combinaison chimique consiste en ce que le second contient cinq fois plus d’oxygène que le premier. Entre les deux se rangent encore trois autres oxydes d’azote NO, N2O3, NO2), qui tous se différencient qualitativement des deux premiers et sont différents entre eux.
Ceci apparaît d’une façon plus frappante encore dans les séries homologues des carbures, notamment des hydrocarbures les plus simples. Des paraffines normales, la première de la série est le méthane CH4 ; ici les quatre valences de l’atome de carbone sont saturées par quatre atomes d’hydrogène. La seconde, l’éthane C2H6 comprend deux atomes de carbone qui ont échangé une valence, et les six valences libres sont saturées par six atomes d’hydrogène. Et ainsi de suite, C3 H8, C4 H10, etc., selon la formule algébrique CnH2n+2, si bien qu’en ajoutant dans chaque cas CH2, on obtient chaque fois un corps qualitativement différent du précédent. Les trois premiers termes de la série sont des gaz ; le dernier connu, l’hexadécane C16 H34, est un solide avec comme point d’ébullition 270º C. Il en est de même des alcools primaires de formule Cn H2n+2 O, (théoriquement) dérivés des paraffines, et des acides gras monobasiques (formule Cn H2n O2,). Quelle différence qualitative peut provoquer l’addition quantitative de C3 H6 ? L’expérience nous l’apprend si nous consommons de l’alcool éthylique C2 H6 O sous une forme assimilable quelconque sans addition d’autres alcools, et si une autre fois nous prenons le même alcool éthylique, mais additionné légèrement d’alcool amylique C5 H12 O, qui constitue l’élément essentiel de l’infâme tord-boyaux. Notre tête s’en apercevra certainement le lendemain matin et à ses dépens ; si bien qu’on pourrait dire que l’ivresse et ensuite le mal aux cheveux sont également la conversion en qualité d’une quantité… d’alcool éthylique d’une part, de ce C3 H6, ajouté d’autre part.
Cependant nous rencontrons dans ces séries la loi de Hegel sous une autre forme encore. Les premiers termes n’admettent qu’une seule disposition réciproque des atomes. Mais, si le nombre des atomes qui constituent une molécule atteint une grandeur déterminée pour chaque série, le groupement des atomes dans la molécule peut s’opérer de façon multiple ; de la sorte on peut rencontrer deux corps isomères ou plus qui ont le même nombre d’atomes C, H, O par molécule, mais qui sont pourtant qualitativement différents. Nous pouvons même calculer combien il y a de tels isomères possibles pour chaque terme de la série. Ainsi dans la série de paraffines il y en a deux pour C4 H10, trois pour C5 H12 ; pour les termes supérieurs le nombre des isomères possibles augmente très rapidement. C’est donc ici derechef la quantité des atomes par molécule qui détermine la possibilité et, dans la mesure où elle est prouvée par l’expérience, l’existence effective de tels corps isomères qualitativement différents.
Il y a plus. De l’analogie des corps qui nous sont connus dans chacune des séries, nous pouvons tirer des conclusions sur les propriétés physiques des termes encore inconnus de la série et, tout au moins pour ceux qui suivent immédiatement les termes connus, prédire avec une certaine certitude ces propriétés, point d’ébullition, etc.
Enfin la loi de Hegel n’est pas valable seulement pour les corps composés, mais aussi pour les éléments chimiques eux-mêmes. Nous savons maintenant « que les propriétés chimiques des éléments sont une fonction périodique de leurs poids atomiques ». (Roscoe-Schorlemmer : Manuel complet de chimie, tome II, p. 823) (5), que leur qualité est donc déterminée par la quantité de leur poids atomique. Et la confirmation en a été fournie d’une façon éclatante. Mendeléiev démontra que dans les séries, rangées par poids atomiques croissants, des éléments apparentés, on rencontre diverses lacunes, qui indiquent qu’il y a là de nouveaux éléments restant à découvrir. Il décrivit à l’avance les propriétés chimiques générales d’un de ces éléments inconnus qu’il appela l’Ekaaluminium, parce qu’il suit l’aluminium dans la série qui, commence par ce corps (6), et il prédit approximativement son poids spécifique et atomique ainsi que son volume atomique. Quelques années plus tard Lecoq de Boisbaudran découvrait effectivement cet élément, et les prédictions de Mendeléiev se trouvèrent exactes à de très légers écarts près. L’Ekaaluminium était réalisé dans le gallium (ibid., p. 828). Grâce à l’application — inconsciente — de la loi hégélienne du passage de la quantité à la qualité, Mendeléiev avait réalisé un exploit scientifique qui peut hardiment se placer aux côtés de celui de Leverrier calculant l’orbite de la planète Neptune encore inconnue (7).
Dans la biologie comme dans l’histoire de la société humaine, la même loi se vérifie à chaque pas, mais nous voulons nous en tenir ici à des exemples empruntés aux sciences exactes, puisque c’est ici que les quantités peuvent être exactement mesurées et suivies.
Sans aucun doute ces mêmes messieurs qui ont jusqu’à présent taxé de mysticisme et de transcendentalisme incompréhensible la loi du passage de la quantité à la qualité vont-ils déclarer maintenant qu’il s’agit là de quelque chose de tout à fait évident, de banal et de plat qu’ils ont utilisé depuis longtemps et qu’ainsi on ne leur a rien appris de nouveau. Mais cela restera toujours un haut fait historique d’avoir exprimé pour la première fois une loi générale de l’évolution de la nature, de la société et de la pensée sous sa forme universellement valable. Et, si ces messieurs ont depuis des années laissé se convertir l’une en l’autre quantité et qualité sans savoir ce qu’ils faisaient, il faudra bien qu’ils se consolent de concert avec le monsieur Jourdain de Molière, qui avait lui aussi fait de la prose toute sa vie sans en avoir la moindre idée. »

Friedrich Engels dans « Dialectique de la nature »

« On dit que la nature ignore les bonds (...) or le changement n’est pas seulement quantitatif mais aussi qualitatif et consiste dans quelque chose de nouveau, d’autre, dans la rupture de la forme ancienne de l’être. »

G.W.F Hegel dans « Science de la Logique »

« "La nature ne fait pas de sauts" dit-on ; et l’opinion ordinaire, quand il s’agit de comprendre l’avènement ou la disparition, s’imagine, comme nous l’avons vu, les comprendre en se les représentant comme un avènement ou une disparition graduels. Mais il s’est déjà manifesté que les changements de l’être ne sont pas le passage d’une quantité à une autre quantité, mais le passage du qualitatif au quantitatif et inversement, la transition en un autre qui est une interruption du graduel et un changement qualitatif par rapport à l’être déterminé antérieur. L’eau refroidie ne devient pas peu à peu dure, de façon à se gélifier et à durcir peu à peu jusqu’à la consistance de la glace, mais devient dure d’un seul coup ; ayant déjà atteint la température de la glace, elle peut encore conserver son état liquide si elle demeure immobile, mais à la moindre secousse elle passe alors à l’état solide. (...) De la même façon, des Etats, à cause de leur différence de grandeur, tout autre facteur étant égal, acquièrent un caractère qualitatif différent. Les lois et la constitution deviennent autres quand l’étendue de l’Etat et le nombre de citoyens s’agrandissent. Il y a une mesure quantitative de l’Etat au delà de laquelle il s’écroule intérieurement sous la même constitution qui, avant son extension, faisait son bonheur et sa force.. D’une part, la disparition apparaît comme inattendue quand on peut changer la quantité sans toucher à la qualité et à la mesure, - d’autre part, on croit la rendre intelligible par l’idée de gradualité. On se rabat avec tant de facilité sur cette catégorie pour représenter ou pour expliquer la disparition d’une qualité ou de quelque chose, parce que de cette façon la disparition semble s’accomplir devant vos yeux ; en effet, la quantité étant déterminée comme limite extérieure, la transformation purement quantitative se comprend d’elle-même. Mais en fait on n’explique rien ; la transformation est essentiellement le passage d’une qualité en une autre. (...) Ce qui est faux, c’est le comportement ... de notre conscience ordinaire qui considère une quantité comme une limite indifférente seulement... La ruse du concept consiste à saisir un être déterminé par le côté où sa qualité ne semble pas entrer en jeu. »

G.W.F Hegel dans « La Grande Logique »

« Il n’est, d’ailleurs, pas difficile de voir que notre temps est un temps de la naissance et du passage à une nouvelle période. (…) De même que, chez l’enfant, après une longue nutrition silencieuse, la première respiration interrompt un tel devenir graduel de la progression de simple accroissement, - c’est là un saut qualitatif -, (…) de même se désintègre fragment après fragment l’édifice du monde précédent, tandis que le vacillement de celui-ci n’est indiqué que par des symptômes isolés (…) l’insouciance, l’ennui qui viennent opérer des fissures dans ce qui subsiste, le pressentiment indéterminé de quelque chose d’inconnu, sont des signes avant-coureur que ce quelque chose d’autre est en préparation. Cet effritement, progressant peu à peu, qui n’altérait pas la physionomie du tout, est interrompu par l’explosion du jour qui, tel un éclair, installe d’un coup la configuration d’un monde nouveau… Expliquer une naissance ou une disparition par la gradualité du changement entraîne l’ennui d’une tautaulogie ; une telle explication présuppose que le naissant ou le disparaissant sont prêts d’avance, le changement devient un simple déplacement d’une différence. »

G.W.F Hegel dans « Phénoménologie de l’esprit »

« Quand on veut se représenter l’apparition ou la disparition de quelque chose, on se les représente ordinairement comme une apparition ou une disparition graduelles. Pourtant les transformations de l’être sont non seulement le passage d’une quantité à une autre, mais aussi le passage de la quantité à la qualité et inversement, passage qui, entraînant la substitution d’un phénomène à un autre, est une rupture de progressivité… A la base de la théorie de la progressivité se trouve l’idée que ce qui surgit existe déjà effectivement, et reste imperceptible uniquement à cause de sa petitesse. De même, quand on parle de disparition graduelle d’un phénomène, on se représente que cette disparition est un fait accompli, et que le phénomène qui prend la place du phénomène précédent existe déjà, mais qu’ils ne sont pas encore perceptibles ni l’un ni l’autre… Mais, de cette manière, on supprime en fait toute apparition et toute disparition… Expliquer l’apparition ou la disparition d’un phénomène donné par la progressivité de la transformation, c’est tout ramener à une tautologie fastidieuse, car c’est considérer comme prêt d’avance (c’est-à-dire comme déjà apparu ou disparu) ce qui est en train d’apparaître ou de disparaître. »

G.W.F Hegel dans « La Logique »

« Les modifications de l’être ne consistent pas seulement en ce qu’il y a passage d’une quantité à une autre quantité, mais aussi en ce qu’il y a passage de la qualité à la quantité et vice versa… Chacun des passages de cette dernière sorte constituant une rupture de la continuité et conférant au phénomène un aspect nouveau, qualitativement différent du précédent… C’est ainsi que l’eau que l’on refroidit se solidifie, non point progressivement… mais d’un coup ; refroidie jusqu’au point de congélation, elle demeure liquide si on la maintient en repos, et il suffit alors de la moindre impulsion pour qu’elle se solidifie instantanément… Dans le monde des phénomènes moraux… il se produit d’identiques passages du quantitatif au qualitatif, ou, autrement dit, les différences de qualité se fondent, là aussi, sur des différences quantitatives. C’est ainsi que l’un-peu-moins et l’un-peu-plus constituent la frontière au-delà de laquelle la légèreté cesse d’être légèreté pour se transformer en quelque chose d’absolument autre : en crime… »

G.W.F Hegel dans « La Science de la Logique »

« Toute somme de valeur ou de monnaie ne peut pas être transformée en capital. Cette transformation ne peut s’opérer sans qu’un minimum d’argent ou de valeur d’échange se trouve entre les mains du postulant à la dignité capitaliste. Ici, comme dans les sciences naturelles, se confirme la loi constatée par Hegel dans sa Logique, loi d’après laquelle de simples changements dans la quantité, parvenus à certain degré, amènent des différences dans la qualité. »

Karl Marx dans « Le Capital »

« Le mérite de la conception de Hegel est qu’elle exige une logique dont les formes soient des formes dynamiques, aient un contenu réel, vivant, des formes inséparablement unies au contenu. La logique est la théorie non des formes extérieures de la pensée, mais des lois du développement de toutes les choses, c’est-à-dire des lois de développement de tout le contenu concret du monde, le bilan de l’histoire de la connaissance. Dans la vie en mouvement, toute chose est aussi bien "en soi" que pour l’extérieur. Et toute chose passe d’un état à un autre. La dialectique est la théorie de la façon dont les contraires peuvent être et sont habituellement (la manière dont ils le deviennent) identiques - les conditions qui les rendent identiques en se changeant l’un dans l’autre - des raisons pour lesquelles l’esprit humain ne doit pas prendre ces contraires pour morts, figés, mais pour vivants, conditionnés, mobiles, se changeant l’un dans l’autre. Pénétrant et intelligent, Hegel analyse des concepts qui d’habitude semblent morts et montre qu’il y a du mouvement en eux. Le mouvement, et l’automouvement, c’est-à-dire le mouvement autonome (indépendant), spontané (intérieurement nécessaire), ce fond qui fait l’hégélianisme, il fallait le découvrir, le comprendre, le transmettre, le décortiquer, l’épurer et c’est ce que Marx et Engels ont fait. Hegel écrit que "La loi ne va pas au-delà du phénomène, mais au contraire elle lui est immédiatement présente ; le royaume des lois est l’image "calme" du monde existant ou apparent." C’est une définition remarquablement matérialiste et remarquablement juste. La loi pren ce qui est calme - et, par là, la loi est étroite, incomplète, approchée. L’ensemble de tous les aspects du phénomène, de la réalité et leur rapports réciproques, voilà de quoi se compose la vérité. Les rapports (les passages, les contradictions) des concepts (contenu principal de la logique) et en même temps leurs rapports entre eux (contradictoires) sont montrés comme reflet du monde objectif. La dialectique des choses crée la dialectique des idées et non l’inverse. L’interdépendance de tous les concepts, dans l’identité de leurs contraires, dans le passage d’un concept à un autre, dans le mouvement sans fin, c’est un rapport semblable à celui des choses de la nature.
Les éléments de la dialectique :
1°) Objectivité de l’examen d’une chose
2°) Tout l’ensemble des rapports multiples et divers de cette chose aux autres
3°) Le développement de cette chose, son mouvement propre, sa vie propre.
4°) Les tendances (les différents aspects) intérieurement contradictoires dans cette chose
5°) La chose (le phénomène) comme somme et unité des contraires.
6°) La lutte respective, le déploiement de ces contraires, les aspirations contradictoires.
7°) L’union de l’analyse et de la synthèse, la séparation et la réunion des différentes parties
8°) Chaque chose est reliée aux autres. Des rapports multiples, divers et aussi universels.
9°) Non seulement l’unité des contraires, mais aussi les passages de chaque détermination, chaque qualité, chaque trait, chaque aspect, chaque propriété en chaque autre (en son contraire ?)
10°) Le processus infini de mise à jour de nouveaux aspects, de nouveaux rapports, etc...
11°) Le processus infini d’approfondissement de la connaissance
12°) De la coexistence à la causalité et d’une forme de liaison et d’interdépendance à une autre, plus profonde, plus générale.
13°) Répétition à un stade supérieur de certains traits, propriétés, etc..., du stade inférieur ...
14°) ... et retour apparent à l’ancien stade (négation de la négation)
15°) Lutte du contenu avec la forme, et inversement.
16°) Passage de la quantité en qualité, et inversement.
On peut définir brièvement la dialectique comme la théorie de l’unité des contraires. par là on saisira le noyau de la dialectique, mais cela exige davantage d’explications. Par quoi un passage dialectique se distingue-t-il d’un passage non dialectique ? Par le saut. Par la contradiction. Par l’interruption de la gradation. Par l’unité de l’être et du non-être. La condition pour connaître tous les processus de l’univers dans leur "automouvement", dans leur développement spontané, dans leur vie dynamique, est de les connaître comme unité des contraires. Le développement est la "lutte" des contraires. L’unité des contraires est conditionnelle, transitoire, relative. La lutte entre contraires s’excluant mutuellement est fausse car absolue. »

Lénine dans « Cahiers philosophique »

« A notre époque, l’idée du développement, de l’évolution, a pénétré presque entièrement la conscience sociale, mais par d’autres voies que la philosophie de Hegel. Cependant, cette idée, telle que l’ont formulée Marx et Engels en s’appuyant sur Hegel, est beaucoup plus vaste et plus riche de contenu que l’idée courante de l’évolution. Un développement qui semble reproduire des stades déjà connus, mais sous une autre forme, à un degré plus élevé ("négation de la négations") ; un développement pour ainsi dire en spirale et non en ligne droite ; un développement par bonds, par catastrophes, par révolutions, "par solutions de continuités" ; la transformation de la quantité en qualité ; les impulsions internes du développement, provoquées par la contradiction, le choc des forces et tendances diverses agissant sur un corps donné, dans le cadre d’un phénomène donné ou au sein d’une société donnée ; l’interdépendance et la liaison étroite, indissoluble, de tous les aspects de chaque phénomène (et ces aspects, l’histoire en fait apparaître sans cesse de nouveaux), liaison qui détermine le processus universel du mouvement, processus unique, régi par des lois, tels sont certains des traits de la dialectique, en tarit que doctrine de l’évolution plus riche de contenu (que la doctrine usuelle). (Voir la lettre de Marx à Engels en date du 8 janvier 1868, où il se moque des "trichotomies rigides" de Stein, qu’il serait absurde de confondre avec la dialectique matérialiste.) »

Lénine dans « Karl Marx »

« Dans sa « Logique », Hegel établit une série de lois : le changement de la quantité en qualité, le développement à travers les contradictions, le conflit de la forme et du contenu, l’interruption de la continuité, le passage du possible au nécessaire, etc, qui sont aussi importantes pour la pensée théorique que le simple syllogisme pour des tâches plus élémentaires. »

Léon Trotsky, dans « Défense du marxisme »

« Dans tous les domaines de la connaissance, y compris la sociologie, une des tâches les plus importantes consiste à saisir à temps l’instant critique où la quantité se change en qualité. »

Léon Trotsky dans « Défense du marxisme »

« La loi de la transition de la quantité en qualité de Hegel a trouvé en Darwin un praticien génial, bien que non éclairé en philosophie. »

Léon Trotsky dans son « Exposé au quatrième congrès Mendeleïev de chimie pure et appliquée »

« Hegel parle du passage de la quantité à la qualité. Nous allons l’expliquer par un exemple très simple. Supposons que nous chauffions de l’eau. Aussi longtemps que la température reste inférieure à 1 000, elle ne bout pas et ne se transforme pas en vapeur. Ses parcelles s’agitent de plus en plus rapidement, mais elles ne surgissent pas à sa surface à l’état de vapeur. Nous n’observons ici qu’un changement de quantité, les parcelles s’agitent de plus en plus rapidement, la température monte, mais l’eau reste de l’eau, avec toutes ses qualités. La quantité change sans cesse, mais la qualité reste la même. Mais lorsque nous avons amené l’eau à la température correspondant au point « d’ébullition », elle commence à bouillir tout à coup, comme si ses parcelles, qui tournaient avec une vitesse vertigineuse, avaient perdu la tête et sauté à la surface sous forme de billes de vapeur. L’eau cesse d’être eau : elle devient vapeur, gaz. C’est une matière nouvelle, ayant des qualités nouvelles. C’est ici que nous voyons deux particularités principales dans le processus de transformation. Premièrement, à un certain degré du mouvement, les transformations quantitatives provoquent les changements qualitatifs (ou, comme on dit brièvement : « la quantité se change en qualité ») ; deuxièmement, ce passage de la quantité à la qualité se fait par un bond, la continuité et la « gradualité » étant tout d’un coup troublées. L’eau ne se transforme pas constamment et avec une sage progression d’abord en une « petite » vapeur qui est devenue ensuite « grande ». Elle n’a pas bouilli jusqu’à un certain moment, mais elle s’est mise à le faire aussitôt qu’elle est arrivée à un certain « point ». Et c’est cela qui s’appelle un bond. La transformation de la quantité en qualité est une des lois essentielles du mouvement de la matière, qu’on peut suivre dans la nature et dans la société, littéralement pas à pas. Suspendez un poids à une ficelle et ajoutez-y peu à peu un poids supplémentaire par petites quantités. Jusqu’à une certaine limite, la ficelle « tient », mais aussitôt que vous aurez dépassé une certaine limite, elle casse instantanément (« par bond »). Condensez la vapeur dans une chaudière. Jusqu’à un certain moment, tout ira bien ; seule, l’aiguille du manomètre (instrument qui indique la pression Je la vapeur) marquera un changement quantitatif de la pression exercée par la vapeur sur les parois de la chaudière. Mais aussitôt que l’aiguille aura dépassé une certaine limite, la chaudière éclatera. La pression de la vapeur aura été un tout petit peu plus grande que la résistance des parois. Jusqu’à ce moment, les changements quantitatifs n’ont pas amené un « bond », un changement qualitatif, mais arrivée à un certain point, la chaudière a éclaté. Plusieurs hommes n’arrivent pas à soulever une pierre, un homme de plus se joint à eux, ils ne la soulèvent pas encore, une faible femme survient et tous ensemble soulèvent la pierre. On a eu besoin ici d’un tout petit supplément de force, et avec lui, on a pu soulever la pierre. Prenons encore un exemple dans le domaine des sentiments humains. Il existe un conte de Léon Tolstoï intitulé Trois pains et une brioche, dont voici le sujet : un homme avait faim et n’arrivait pas à se rassasier ; il mange un pain et a encore faim ; il en mange un autre et a toujours faim ; de même après le troisième ; mais lorsqu’il a mangé la brioche, il sent tout à coup qu’il n’a plus faim. Il se met alors à s’injurier pour ne pas avoir mangé d’abord la brioche : je n’aurais pas eu besoin, dit-il, de manger les trois pains. Cependant, il est clair que cet homme se trompe. Ici aussi, le changement qualitatif, le passage du sentiment de la faim à celui de la satiété, se produit plus ou moins par « bond » (après la brioche). Mais ce changement qualitatif a été, préparé par un changement quantitatif : s’il n’avait pas mangé les pains, la brioche ne l’aurait pas rassasié. »

Boukharine dans « La théorie du matérialisme historique »

« Les fameuses lois de la dialectique reformulées par Engels à partir de la philosophie de Hegel, font explicitement référence à cette notion de ponctuation. Elles parlent par exemple de ‘’ la transformation de la quantité en qualité ‘’ La formule laisse entendre que le changement se produit par grands sauts suivant une lente accumulation de tensions auquel un système résiste jusqu’au moment où il atteint le point de rupture. (...) Le modèle ponctué peut refléter les rythmes du changement biologique (...) ne serait-ce qu’à cause du nombre et de l’importance des résistances au changement dans les systèmes complexes à l’état stable. (...) « L’histoire de n’importe quelle région de la terre est comme la vie d’un soldat. Elle consiste en de longues périodes d’ennui entrecoupées de courtes périodes d’effroi. »

Stephen Jay Gould dans « Le pouce du panda »

« La pensée dialectique devrait être prise plus au sérieux par les occidentaux, et non être écartée sous prétexte que certaines nations de l’autre partie du monde en ont adopté une version figée pour asseoir leur dogme… Les questions que la dialectique soulève sont, sous une autre forme, les questions de l’opposition entre réductionnisme et holisme qui sont à présent si brûlante dans tous les domaines de la biologie (où les explications réductionnistes ont atteint leurs limites et où, pour progresser, il faudrait de nouvelles approches pour traiter les données existantes, au lieu d’accumuler encore d’avantage de données)… Lorsqu’elle se présente comme les lignes directrices d’une philosophie du changement, et non comme des préceptes dogmatiques que l’on décrète vrais, les trois lois classiques de la dialectique illustrent une vision holistique dans laquelle le changement est une interaction entre les composantes de systèmes complets, et où les composantes elles-mêmes n’existent pas a priori, mais sont à la fois les produits du système et des données que l’on fait entrer dans le système. Ainsi, la loi des "contraires qui s’interpénètrent" témoigne de l’interdépendance absolue des composantes ; la "transformation de la quantité en qualité" défend une vision systématique du changement, qui traduit les entrées de données incrémentielles en changement d’état ; et "la négation de la négation" décrit la direction donnée à l’histoire, car des systèmes complexes ne peuvent retourner exactement à leurs états antérieurs. »

Stephen Jay Gould dans « Un hérisson dans la tempête »

« Qu’entre qualité et quantité il y ait passage conceptuel susceptible de reproduire des passages réels est chose si peu hypothétique qu’existe une discipline scientifique dont c’est tout l’objet, la physique des transitions de phase (…) Peut-on expliquer les discontinuités qui s’observent à l’échelle macroscopique par exemple dans la vaporisation d’un liquide à partir de sa structure microscopique ? Se produirait-il une « modification brutale » à la température de transition « dans les interactions entre atomes », dont le changement de phase serait le « reflet » ? La question, indique Roger Balian dans « Le temps macroscopique » dans « Le temps et sa flèche », a été définitivement tranchée : « Rien à l’échelle atomique ne distingue l’eau de sa vapeur ou de la glace ; leurs transformations mutuelles ne traduisent qu’un changement d’organisation de l’édifice global, contrôlé seulement par deux paramètres macroscopiques, la température et la pression. » (…) Le qualitativement nouveau vient à jour à partir de lui-même. »

Lucien Sève dans « Nature, science, dialectique : un chantier à rouvrir »

« Avec chaque niveau d’organisation, apparaissent des nouveautés, tant de propriétés que de logiques. (…) Une dialectique fait s’interpénétrer les contraires et s’engendrer la qualité et la quantité. »

François Jacob dans « La logique du vivant »

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